La localité d’Adré, située à 850 km au nord-est de N’Djamena et à seulement 1 km de la frontière soudanaise, est bien tenue par l’armée tchadienne, a constaté un correspondant de la Pana à l’issue d’une récente visite.
Théâtre le dimanche 18 décembre dernier, de violents combats entre forces gouvernementales et éléments du Rassemblement pour la démocratie et les libertés (RDL, rébellion), Adré présente les indices évidents d’un véritable jeu de massacre.
Des corps calcinés ou en putréfaction avancée, des véhicules tout terrain Toyota complètement brûlés et renversés, les restes d’un hélicoptère crashé et des impacts de balles ou d’obus, comme ceux qui ont lézardé le mur de la résidence du préfet local, le tout dans une puanteur difficilement supportable.
La sérénité des habitants de cette bourgade orientale du Tchad tranche étonnamment avec la fébrilité des militaires aux mines graves, enturbannés et armés jusqu’aux dents, prêts à faire feu à la moindre alerte.
On les voit partout progressant soit à pied soit à bord de 4X4, assis ou couchés à l’ombre des arbres, près des ouadis (cours d’eau temporaire) au bord du lac Assongha, mais Adré présente l’allure d’un théâtre avec une partie des acteurs sur la scène, les belligérants, et l’assistance constituée par les populations civiles.
D’ailleurs, celles-ci ne sont pas éloignées du quartier de l’état-major militaire et de la résidence du préfet, théâtres précis des combats, séparés d’un kilomètre seulement des montagnes qui délimitent la frontière tchado-soudanaise.
Le nombre des victimes est encore inconnu
Les combats ont été en effet violents et les bilans, contrastés du côté gouvernemental et équivoques du côté des rebelles, l’attestent bien.
Une centaine de morts et de nombreux rebelles faits prisonniers le matin du 18 décembre, indique un bilan établi à N’Djamena, mais qui sera contrarié par un autre, rendu public le soir du même jour par l’état-major sur le terrain à Abéché, faisant état de 80 morts parmi
les rangs de la rébellion.
Ce dernier bilan sera lui-même contredit le lendemain à Adré même par un autre mentionnant 170 à 200 morts rebelles, bien en-deçà des 300 morts dont fera état plus tard l’état-major général de l’armée depuis N’Djamena.
Les rebelles ont battu en brèche ces bilans contrastés du pouvoir, avançant plus d’une centaine de morts, de nombreux blessés, un nombre important de matériels récupérés ou détruits du côté gouvernemental et des ralliements aussi importants d’éléments gouvernementaux à leur camp.
Des journalistes dépêchés sur place, y compris un correspondant de la Pana, ont comptabilisé les uns une dizaine ou une vingtaine de corps, là où d’autres affirment en avoir vu une trentaine, la plupart dans le ouadis où se sont déroulés les combats les plus violents, selon des officiers tchadiens.
Des corps avaient été déjà enterrés et d’autres se trouvaient de l’autre côté des montagnes, en territoire soudanais, où les rebelles se seraient réfugiés après avoir été pourchassés par les soldats gouvernementaux…
Le Soudan impliqué
Un hélicoptère de l’armée s’est écrasé après les combats suite à un atterrissage compromis par un câble électrique, entraînant une chute brutale et une explosion des roquettes qu’il transportait.
Les membres de l’équipage sont sortis indemnes de l’accident, à l’exception du nouveau commandant de la Garde nationale et nomade du Tchad (GNNT), le colonel Moussa Sougui Hawar, qui a été grièvement brûlé. Il est actuellement hospitalisé dans un centre de soins intensifs de la localité.
Un autre hélicoptère, de type MI14 de fabrication soviétique comme le premier, avait été cependant atteint et un membre de l’équipage, co-pilote mécanicien, mortellement atteint. L’appareil, hors d’usage pour le moment, s’est posé sur la piste de l’aéroport d’Abéché distant de 170 km d’Adré.
Il s’agit là d’un coup dur pour l’armée tchadienne, car, de l’avis des militaires interrogés sur place, les deux hélicoptères ont été pour beaucoup dans le refoulement des rebelles vers le Soudan.
Onze prisonniers sur le nombre important annoncé, ont été présentés aux journalistes. Pour la plupart jeunes, ils affirment n’avoir pas été militaires mais enrôlés soit de force ou trompés par des chefs rebelles et déserteurs de l’armée régulière.
Des pièces d’identité tchadiennes, mais aussi et surtout soudanaises attestant l’implication dans la rébellion ou le soutien de Khartoum aux rebelles tchadiens, ont été présentées.
Avant et après ces combats, le gouvernement tchadien, par la voix de son ministre de la Communication et celle du ministre des Affaires étrangères, affirmait déjà l’implication du Soudan dans le conflit qui se dessinait à sa frontière orientale.
Le président Idriss Déby, qui s’est rendu mercredi sur le théâtre des affrontements pour décorer les différents officiers et remonter le moral des troupes, a regagné N’Djamena jeudi dans la soirée.
Le commandant des opérations sur le terrain, le colonel Alifa Weddeye, frère du célèbre Goukouni Weddeye, ancien seigneur de guerre et chef rebelle toubou, a été promu général le 19 décembre dernier, soit un jour après les combats. Il avait appris la nouvelle par message radio.
Par Loalngar Naringué Maxwell Correspondant de la PANA