Au Cameroun, la composition des textes liturgiques pour la célébration eucharistique ne relève pas que de l’Eglise et du seul clergé, la rue commence à s’y impliquer aussi. Avec un certain succès.
Il y a deux ans, « Assimba », l’une des chansons phares du groupe de gospel La Voix du Cenacle, que préside Gervais Mendo Zé (Directeur général de la Cameroon Radio Television), faisait un tabac sur toutes les radios et dans les discothèques au Cameroun. Chant pour la louange et l’adoration à Marie, la mère de Jésus-Christ, « Assimba » est devenue un tube par la qualité de sa mélodie, dont les refrains étaient chantés même dans les cours de recréation.
Le succès d' »Assimba » a fait naître de nouvelles vocations chez les musiciens. La création des chants religieux, qui était l’apanage du seul corps ecclésiastique depuis toujours au Cameroun, a ainsi gagné la rue. Aux productions très confidentielles des abbés François-Xavier Amara, Robert Akamba, Pie Claude Ngoumou, Jean-Marie Bodo et Athanase Ateba ont succédé celles plus commerciales de la Voix du Cenacle, Odile Ngaska, Chantal Yologaza, Ndongo Eteme, Nkembé Pesauk… Les « night-club » les plus branchés de Yaoundé et de Douala ont désormais leur quart d’heure de musique religieuse.
Louer Dieu en vociférant
L’engouement sans cesse grandissant des ouailles pour les chants religieux composés par des païens fait évidemment grincer les dents sous les chapiteaux des églises. Le premier à porter l’estocade est le prêtre et musicologue Jean-Marie Bodo, qui parle de profanation et dénonce la vacuité des textes. « Bon nombre de chansons produites par les laïcs comportent des aberrations. Il y a par exemple une chanson qui dit ‘Maria nna dzu ma, me ne mbo minsem’ (Marie, pardonne-moi, je suis pécheur). Les gens la chantent pendant leurs moments de prières, alors que Marie n’a pas le pouvoir de pardonner les péchés. Ces introductions libres qui arrivent aujourd’hui sans censure font que la liturgie devient un mélange de tout, du bon et du mauvais », déplore l’abbé J-M Bodo.
Une indignation partagée par l’un des pères fondateurs de la musique religieuse au Cameroun, l’abbé François-Xavier Amara. « Les chansons ne portent pas au recueillement. La prière liturgique doit être sérieuse, adoratrice. On ne loue pas Dieu en vociférant », explique-t-il. Des arguments qui font sourire les maisons de production des disques qui ont trouvé en la musique religieuse un nouveau filon en or.