Le vent de la révolte arabe a bel et bien atteint la Libye. Au moins huit personnes sont mortes jeudi lors de violents affrontements entre des manifestants réclamant un changement de régime et les forces de sécurité, selon l’opposition. Plusieurs sources assurent que la police a tiré à balles réelles sur les manifestants.
Après les Tunisiens, les Égyptiens, les Bahreïniens et les Iraniens, c’est au tour des Libyens d’exprimer leur colère contre le régime au pouvoir. Ils étaient des milliers à manifester jeudi en Libye contre le Guide de la Révolution Mouammar Kadhafi, qui dirige le pays d’une main de fer depuis 42 ans. A la manière des Tunisiens et des Égyptiens, les réseaux sociaux libyens avaient appelé ces dernières semaines à une « Journée de la colère » le 17 février, date marquant le 5ème anniversaire d’une manifestation pacifique tenue en 2006 et au cours de laquelle les forces de sécurité libyennes avaient tué au moins 12 personnes.
Citant des témoins, la chaîne qatarie Al-Jazira a indiqué que des affrontements ont éclaté jeudi après-midi dans la ville d’al-Baïda (à l’est du pays) entre les forces de l’ordre et les manifestants qui commémoraient les obsèques de deux d’entre eux tués la veille par la police. Les accrochages ont fait trois morts et quatre blessés, selon la même source qui précise que pas moins de dix mille personnes participent à cette manifestation. Plusieurs témoins ont affirmé que la police a fait usage de balles réelles contre les manifestants.
Un fragile retour au calme était pourtant constaté jeudi matin à al-Baïda, après une nuit très agitée durant laquelle de violents affrontements avaient opposé des protestataires à des partisans de Kadhafi, les membres des fameux comités révolutionnaires. Selon des témoins cités par al-Jazira, les autorités ont retiré les éléments des forces de l’ordre de la ville dans la matinée, les remplaçant par des unités des forces spéciales.
Des militants arrêtés
A Benghazi, ville proche d’al-Baïda et traditionnellement très frondeuse, n’a pas été épargnée par les violences jeudi. Selon des sites d’opposition, des milices de Kadhafi ont tiré à balles réelles sur des manifestants dans la rue Jamal Abdel Nasser, faisant six morts. Plusieurs milliers de personnes étaient sorties plus tôt dans la journée dans les rues de la ville pour réclamer la fin du régime, n’hésitant pas à arracher les portraits du Guide sur leur passage. Benghazi a déjà été le théâtre de violences ces derniers jours. Selon des sites d’opposition, il y aurait eu six morts entre mardi et mercredi. On signale en outre une manifestation d’avocats devant un tribunal de la ville, réclamant une constitution pour le pays.
L’ONG de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch a, de son côté, dénoncé l’arrestation mardi de plusieurs parmi les militants qui ont appelé sur Internet aux protestations du 17 février. La plupart des militants arrêtés sont journalistes, écrivains, ou e-activistes. Plusieurs sources ont fait état de coupures de la connexion Internet dans plusieurs villes de l’ouest du pays, jeudi, tandis que la compagnie de téléphonie mobile Libyana inondait ses abonnés de messages menaçant de représailles tous « ceux qui seraient tentés de dépasser aux quatre lignes rouges : Kadhafi le père, la religion musulmane, la sécurité de l’Etat et l’unité nationale ».
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