
En France, l’ancienne première dame rwandaise, Agathe Habyarimana, pourrait être mise en examen dans le cadre du dossier du génocide de 1994. La Cour d’appel examine, en effet, ce mercredi une requête du Parquet national antiterroriste (PNAT).
La quiétude de l’épouse de l’ancien Président rwandais, Juvénal Habyarimana, installée à Paris depuis le début du génocide en 1994 pourrait être perturbée par la requête introduite par le Parquet national antiterroriste (PNAT). En effet, la Cour d’appel de Paris se penche ce mercredi sur cette requête visant à mettre en examen Agathe Habyarimana pour « entente en vue de commettre un génocide » et « crimes contre l’humanité ». Cette audience marque une nouvelle étape dans une procédure judiciaire ouverte depuis près de deux décennies.
Un dossier emblématique de la justice post-génocide
Veuve de l’ancien Président rwandais Juvénal Habyarimana, dont l’assassinat, le 6 avril 1994, est considéré comme l’élément déclencheur du génocide des Tutsis, Agathe Habyarimana vit en France depuis le début des massacres. Son rôle dans les cercles extrémistes hutu à Kigali est depuis longtemps pointé du doigt par des associations de victimes. L’enquête en cours trouve son origine dans une plainte déposée en 2007 par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), qui milite pour que justice soit rendue aux victimes du génocide. Le parquet exige non seulement sa mise en examen, mais également l’élargissement de la période d’enquête à partir du 1ᵉʳ mars 1994, ainsi que de nouvelles investigations.
Un dossier judiciaire qui divise
Agathe Habyarimana, aujourd’hui âgée de 82 ans, avait été placée sous le statut de témoin assisté en 2016. Elle a été entendue à nouveau par le juge en décembre 2024. Ses avocats dénoncent une procédure à charge et affirment que le dossier est vide. « Ce dossier est désespérément vide pour ma cliente, qui le subit », a déclaré son avocat, Me Philippe Meilhac, estimant que la justice cherche avant tout à éviter des tensions diplomatiques avec Kigali. Il dénonce un « coup de poker judiciaire » destiné à maintenir artificiellement la procédure ouverte.
À l’inverse, pour Alain Gauthier, président du CPCR, cette audience est une « étape indispensable » afin de permettre à l’enquête de progresser. « Si le parquet demande une mise en examen, c’est qu’il a des éléments, ce n’est pas pour faire plaisir à qui que ce soit », insiste-t-il, rappelant que l’objectif reste avant tout la reconnaissance des souffrances des victimes.
Une décision attendue dans les prochaines semaines
Absente de l’audience, Agathe Habyarimana devra attendre la décision de la chambre de l’instruction, qui sera mise en délibéré. Cette affaire, qui dure depuis plus de quinze ans, reste l’un des nombreux dossiers non résolus concernant les responsabilités dans le génocide rwandais. La France, régulièrement signalée pour son accueil de personnes accusées d’implication dans le génocide, pourrait, à travers cette affaire, envoyer un signal fort quant à sa volonté de juger les suspects présents sur son territoire. Ceci, dans la mesure où la question du génocide a longtemps été une pomme de discorde entre la France et le régime de Kigali qui avait toujours pointé du droit une certaine responsabilité de la France dans cette tragédie qui a frappé le pays et qui a coûté la vie à pas moins de 800 000 Tutsi et Hutu modérés.