Premier pays sub-saharien à avoir revendiqué son indépendance face au colonisateur français, la Guinée Conakry sera en fête le 2 octobre. Cependant, les réjouissances auront lieu sur fond de marasme économique et social. Le pays est aujourd’hui l’un des plus pauvres d’Afrique noire et son chef d’Etat, Lansana Conté, est accusé par une grande partie de ses concitoyens de s’accrocher au pouvoir à tout prix
Il y a 50 ans, la Guinée proclamait son indépendance. Tout a commencé avec le « non » historique du leader nationaliste Ahmed Sékou Touré au général de Gaulle. Prononcé le 25 août 1958 à Conakry, le discours de celui qui sera le premier président de la Guinée reste célèbre encore aujourd’hui pour avoir été un affront à la France et une dénonciation de la colonisation. « Nous ne renonçons pas et ne renoncerons jamais à notre droit légitime et naturel à l’indépendance », « Il n’y a pas de dignité sans liberté ; nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage». Le 28 septembre 1958, encore sous le charme des propos du tribun, le peuple guinéen refuse par referendum de faire partie de la Communauté Française pour les Colonies. L’ancienne métropole ne tarde pas à rapatrier son personnel et coupe toute aide budgétaire en guise de punition. La France n’a pas d’autre choix que de se plier au résultat cinglant du vote mais ne reconnaît pas pour autant l’indépendance qui sera proclamée le 2 octobre par la nouvelle assemblée.
C’est ce souvenir que commémoreront demain les quelques 10 millions de Guinéens. Au programme des réjouissances : discours à la Nation de l’actuel chef d’Etat Lansana Conté, « carnaval de mobilisation et de sensibilisation » à travers les rues de la capitale et bien sur feu d’artifice vers minuit. Rappelons que l’anniversaire des 50 ans d’indépendance de la Guinée coïncide cette année avec la fin du Ramadan qui sera, elle, fêtée par près de 85% de la population.
Pourtant le climat qui règne en Guinée n’a rien de festif. Les indicateurs socio-économiques du pays sont plutôt alarmants : 33% des enfants de moins de 5 ans sont en situation de malnutrition, 50% de la population n’a pas accès à l’eau potable, le choléra est endémique dans les zones urbaines, le taux d’analphabétisme atteint les 70% sans oublier les 20% d’inflation. L’ancienne colonie la plus prospère de la France est aujourd’hui dans une situation dramatique près d’un demi-siècle après son accession à l’indépendance. « Qu’est-ce que nous avons fait de ces 50 ans d’indépendance? » s’est interrogé l’historien et écrivain guinéen Djibril Tamsir Niane, interviewé par l’AFP.
« Qu’est-ce que nous avons fait de ces 50 ans d’indépendance? »
« Nous célébrons 50 ans d’indépendance dans l’obscurité et nous disons à longueur de journée que nous sommes fiers. Nous avons dit « non » en 1958, nous avons obtenu notre indépendance, les autres pays ont dit « oui », ils sont devenus indépendants avec moins de conséquences fâcheuses », a-t-il ajouté.
Jusqu’à 1984, le pays fut dirigé par le père de l’indépendance Sékou Touré. Le leader progressiste se mua vite en dictateur pour confisquer à son compte et à celui de ses proches les ressources du pays. Son successeur et actuel chef d’Etat guinéen, Lansana Conté, fait aujourd’hui également l’objet de critiques. Son régime repose principalement sur l’armée et doit régulièrement faire face à de nombreuses grèves et conflits sociaux. Selon un rapport de l’ONG International Crisis Group publié en juin, «Sa vision militaire et prédatrice de l’exercice du pouvoir est anachronique ».
Le président Conté semble pourtant vouloir rappeler à ses voisins le courage politique de la Guinée, premier pays d’Afrique noire francophone à avoir obtenu son indépendance. Les chefs d’Etat de la Côte d’Ivoire, du Liberia, de la Sierra Leone, du Mali et du Sénégal doivent prendre part aux festivités demain.