La maladie de Lansana Conté, longtemps restée secrète, est devenue officielle en décembre dernier. Le président guinéen, retiré dans le village de sa mère depuis un mois, a laissé un vide politique inquiétant. Sur fond de rumeurs alimentées par le manque d’information, le parti au pouvoir et l’opposition tentent de faire face.
La Guinée fait face depuis un mois à un vide politique inquiétant. Le président Lansana Conté vit retiré depuis la mi-janvier dans le village de Moussaya, à une cinquantaine de km de Conakry. Le chef de l’Etat, âgé de 79 ans, a officiellement annoncé qu’il était » malade « , à son retour du Maroc, le 10 janvier dernier. Parti le 20 décembre 2002, il effectuait officiellement un voyage » privé » au Royaume chérifien. En réalité, il a bénéficié de soins intensifs à la clinique royale de l’hôpital militaire de Rabat. C’est même le Premier ministre Lamine Sidimé qui a délivré son message de nouvel an aux Guinéens.
Depuis son retrait dans le village de sa mère, Lansana Conté n’a fait aucune apparition ou déclaration publique. Ce qui laisse les Guinéens dans l’expectative. » La situation pose un certain nombre d’inquiétudes « , explique Nantou Cherif, membre du bureau politique du RPG (Rassemblement du Peuple guinéen, principal parti d’opposition). » Le gouvernement ne donne aucune information sérieuse sur l’état de santé du Président et la population doit se contenter des rumeurs les plus folles. Le pouvoir est décapité et cette situation est extrêmement compliquée et délicate. On ne sait pas qui commande, le pouvoir est dans la rue en ce moment… Face à cette confusion, le RPG a décidé de ne pas tenir compte des rumeurs et de ne pas faire de la santé de Lansana Conté un argument de la lutte contre le pouvoir. »
Possible vacance du pouvoir
Pourtant, avec les élections présidentielles prévues pour le mois de décembre de cette année, la question de la possible succession au chef de l’Etat se pose inévitablement. » Nous restons vigilants pour faire face à n’importe quelle situation « , assure Nantou Cherif.
La nouvelle Constitution, votée en 2001 et rejetée par l’opposition, prévoit » qu’en cas de vacance du pouvoir, le président de l’Assemblée nationale assure l’intérim pendant 60 jours au cours desquels il organise de nouvelles élections « . » La position du Frad (Front de l’Alternance Démocratique qui regroupe plusieurs partis d’opposition, ndlr) est très claire. Nous avons dénoncé cette Constitution votée par moins de 20% de la population et refusé de participer aux dernières législatives. Nous ne reconnaissons donc pas la nouvelle Assemblée et encore moins son président. »
Scénarios catastrophe
L’idée de cette » vacance du pouvoir » inquiète. Les scénarios catastrophe se profilent à l’horizon : coup d’Etat militaire, guerre civile, résurgence de la rébellion mâtée en septembre 2000… » Pour la rébellion, on n’en parle plus du tout, je ne pense pas qu’elle existe encore. En ce qui concerne un coup d’Etat militaire ou une guerre civile, les risques existent. Pour parer à cela, le Frad est favorable à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale de transition regroupant toutes les composantes de la société guinéenne, y compris des membres du Pup (Parti pour l’unité et le progrès, au pouvoir, ndlr). L’intérim devrait durer au minimum six mois et au maximum dix, le temps de mettre en place les outils permettant l’organisation d’un scrutin électoral libre et transparent. Les personnes qui composeraient ce gouvernement ne devraient pas être autorisées à s’y présenter « , répond le RPG.
Le Pup, quant à lui, a annoncé le 18 janvier dernier la naissance d’une » Coordination de la mouvance présidentielle » regroupant ceux qui acceptent le référendum de 2001 qui accorde la possibilité au Président de briguer un troisième mandat. Cette coordination s’est prononcée en faveur de la candidature de Lansana Conté pour les prochaines présidentielles. Comme si de rien n’était.