La junte militaire, qui s’est emparée du pouvoir en Guinée, conforte ses positions et promet des « funérailles grandioses » ce vendredi au président Lansana Conté. Le gouvernement sortant s’est mis à sa disposition et l’opposition et les principaux syndicats guinéens ont «pris acte» de l’arrivée au pouvoir du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD). Mais la communauté internationale estime que la période de transition fixée par la junte est trop longue.
Ismaël Kabiné Camara, à Conakry, et F.G
Le capitaine Moussa Dadis Camara assoit son pouvoir alors que les obsèques du président Lansana Conté se dérouleront ce vendredi. Le Premier ministre Ahmed Tidiane Souaré et son gouvernement se sont mis jeudi à la «disposition » du leader du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), la junte à l’origine mardi d’un coup d’Etat en Guinée. « Retenez que nous sommes des techniciens (…) et que nous sommes à votre entière disposition. Nous vous remercions encore une fois pour votre sagesse, Monsieur le président », a déclaré jeudi le chef du gouvernement au capitaine Moussa Dadis Camara. Les principaux responsables politiques et les généraux avaient été invités à rejoindre mercredi, dans un délai de 24h, le camp Alpha Yaya, le plus important de la capitale, Conakry, au risque de faire l’objet d’un « ratissage ». Les principaux partis de l’opposition guinéens comme le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) d’Alpha Condé, l’opposant historique, l’Union des forces républicaines (UFR) de l’ancien Premier ministre Sydia Touré et l’intersyndicale à l’origine des grèves de juin 2006 et de janvier 2007 ont « pris acte » de la prise de pouvoir par le CNDD. Seul Aboubacar Somparé, le président de l’Assemblée nationale appelle encore la communauté internationale à faire pression sur son pays afin de rétablir l’ordre constitutionnel.
Dans son premier discours officiel à la nation, prononcé jeudi, le nouveau président guinéen a rendu hommage à son prédécesseur, le président Lansana Conté à qui il a promis des «funérailles grandioses ». A ce titre, il a fustigé l’attitude du gouvernement sortant qui n’a pas pu aménager une chambre froide pour abriter le corps du défunt. « Cela est honteux », a t-il déploré. Il a aussi fait de la sécurité, de la lutte contre la corruption, la drogue et le trafic d’influence des priorités pour son équipe composée de 32 membres. « Je suis incorruptible, je n’ai pas besoin de l’argent, du matériel », a poursuivi le capitaine Moussa Dadis Camara. « Si quelqu’un essaie de me corrompre en passant par ma femme ou par mes enfants en leur donnant des millions ou des voitures, je vais porter plainte contre eux en tant que citoyen. » Pour le leader du CNDD, la mission est de jeter les bases d’un développement au bénéfice de la nation tout entière. Il a également appelé au renforcement de l’unité nationale, fort entamée ces dernières années. Se tournant vers la presse, Moussa Dadis Camara dira que les médias sont l’épine dorsale de la démocratie et de la réconciliation nationale. Il a exhorté la presse à jouer pleinement son rôle et l’a invitée à la transparence.
La junte se veut rassurante
Le capitaine Camara a par ailleurs insisté sur le fait que ni lui ni ses amis du CNDD ne sont animés d’une ambition politique. « Nous n’avons aucune intention de nous éterniser au pouvoir », assure-t-il. Il promet donc de rendre le pouvoir au terme des 18 mois de transition. Certains chefs militaires se sont déjà installés dans leurs nouvelles fonctions de préfets conformément à un communiqué publié mercredi. C’est le cas de la ville aurifère de Siguiri où les populations sont massivement sorties pour accueillir leur nouveau préfet.
Mais la communauté internationale estime que la période de transition fixée par la junte doit être écourtée. Les Etats-Unis continuent d’exiger un « retour immédiat à l’ordre civil » par le biais de leur ambassade à Conakry. Les autorités américaines menacent de supprimer leur aide à la Guinée qui s’élève à 12 milliards d’euros. Le chef de l’Etat français Nicolas Sarkozy, dont le pays assure la présidence européenne, souhaite également l’organisation d’« élections libres et transparentes » dans un « bref délai et sous observation internationale ». Afin de rassurer les Guinéens et la communauté internationale, le CNDD a prévu d’organiser deux réunions dans la matinée de samedi. La première s’adressera aux « représentants de la société civile, des partis politiques, des confessions religieuses et des centrales syndicales ». Elle sera ensuite suivie par une rencontre avec les « représentants de la Cédéao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), de l’Union africaine, de l’Union européenne, les ambassadeurs des pays du G8 et leur attaché de défense ». « Les représentants des Nations unies, du Fonds monétaire internationale (FMI), de la Banque mondiale et des partenaires (contribuant) au développement de la Guinée » sont également conviés à cette réunion.
Pour les Guinéens, la vie semble reprendre son cours normal alors que le « paysan soldat », comme se surnommait Lansana Conté, rejoindra sa dernière demeure cet après-midi.
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