La Guinée aux portes du Chaos ?


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Manifestation en Guinée
Manifestation en Guinée

La Guinée se prépare à des élections extrêmement houleuses qui devraient se tenir le 1er mars prochain. Un double scrutin de tous les dangers, qualifié de « hold-up électoral » par Cellou Dalein Diallo. Les partis d’opposition dénoncent les conditions « viciées » de ces élections et appellent la population au boycott. Alpha Condé, 81 ans, au pouvoir depuis 10 ans, devrait passer la main et envisager l’alternance.

C’est l’un des votes « les plus électriques de l’année » affirme Jeune Afrique. Et pourtant, en cette année 2020, les élections ne manquent pas sur le continent : le Niger, le Ghana, le Togo, le Burkina Faso ainsi que la Côte d’Ivoire sont concernés par le processus électoral.

Mais en Guinée se tiendront concomitamment deux scrutins. Un double scrutin au cours duquel les Guinéens voteront pour leurs députés, et valideront (ou pas) une réforme constitutionnelle. Un référendum extraordinaire, initié par Alpha Condé, le président de la République de Guinée, âgé de 81 ans, afin de faire voter une nouvelle Constitution, et donc une nouvelle République. Avec « remise à zéro des compteurs des mandats présidentiels et donc possibilité pour le chef de l’État actuellement en fonction de se représenter à l’élection suprême prévue pour octobre 2020 ». Mais pour Cellou Dalein Diallo, « les Guinéens ne veulent pas » de référendum sur la Constitution.

 En l’état, la Constitution représente un frein pour un troisième mandat du chef de l’Etat, élu une première fois en 2010 puis une seconde fois en 2015. L’article 154 de la Constitution n’autorise pas à modifier l’article 27 selon lequel « la durée (du mandat présidentiel) est de cinq ans et il est renouvelable une fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non ». Pourquoi dans ce cas ne pas changer de Constitution ?

Cette manœuvre politique est connue, et hélas courante en Afrique, lorsqu’un chef d’Etat veut se maintenir au pouvoir. Pareils ajustements ont eu lieu en Côte d’Ivoire ou au Togo. Robert Mugabe avait réussi à régner sur le Zimbabwe jusqu’à « potentiellement » 99 ans.  Officiellement, il n’y aurait pourtant aucune certitude pour qu’Alpha Condé se représente à un nouveau mandat en cas de victoire du « oui » au référendum du 1er mars. Mais pour l’opposition, cela ne fait aucun doute.

Consultation populaire ou dérive autocratique ?

Bien sûr, ce projet de Constitution promet monts et merveilles aux Guinéens et ferait de la Guinée le pays le plus progressiste d’Afrique francophone : école obligatoire jusqu’à 16 ans, élévation à 18 ans de l’âge requis pour le mariage, interdiction des mutilations génitales, de l’esclavage et du travail des enfants, égalité des époux face au divorce, abolition de la peine de mort, etc. Et pourtant, la défiance demeure…

Ce projet constitutionnel a même rencontré une opposition sans précédent et a entrainé une crise politique majeure dans le pays. Car personne n’est dupe et ne semble vouloir d’un troisième mandat d’Alpha Condé, à part le gouvernement en place. Un « Front national pour la défense de la Constitution » (FNDC) a même été lancé, en avril 2019, dès l’apparition du projet de référendum constitutionnel, et des dizaines de milliers de militants défilent régulièrement, en tee-shirts rouges, à Conakry. Le Front regroupe des associations, des syndicats, des partis politiques, mais aussi des artistes comme Elie Kamano, Bill de Sam, l’animateur du Balai citoyen Guinée Sekou Koundouno, le syndicaliste Aboubacar Soumah, ainsi que le reggaeman Tiken Jah Fakoly.

En revanche, Alpha Condé, lui, n’a obtenu que le soutien de la Chine, la Russie, ou encore la Turquie…

 « Hold-up électoral », « la pire des élections »

Les partis d’opposition dénoncent le caractère « vicié » du processus électoral et les tentatives de fraude à venir. Ils déplorent que les conditions de l’organisation du scrutin soient dégradées et appellent au boycott. L’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo et l’Union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré, dénoncent un « hold-up électoral » et parlent de la « pire des élections ».

« Nous ne pouvons pas participer à ce scrutin pour lequel le fichier électoral est taillé sur mesure pour l’exécutif », précise le secrétaire général de l’UFDG. L’ex-premier ministre et chef de l’opposition guinéenne, Cellou Dalein Diallo, lui, est catégorique : ce double vote a été conçu pour « légitimer à l’avance la victoire du oui au referendum sur la nouvelle Constitution, elle-même devant permettre à Alpha Condé de briguer un troisième mandat, illégal au terme de son second et dernier mandat ».

Vraisemblablement, le résultat des élections du 1er mars sera contesté et des risques de violences sont à craindre. Les journées de mobilisation ont déjà fait une vingtaine de morts depuis le mois d’octobre. Les partis d’opposition appellent néanmoins à une résistance active. Quant à la communauté internationale, elle s’inquiète d’une situation politique qui pourrait faire basculer la Guinée dans le chaos.

Amnesty International dénonce, dans un rapport publié en novembre 2019, des violations des droits humains commises par les membres des forces de sécurité contre les manifestants et des arrestations arbitraires des membres du FNDC. Le « oui » pour une nouvelle Constitution semble présager le pire : prolongement de la crise politique et résurgence d’une violence politique dont la Guinée, hantée par le spectre des massacres de septembre 2009, voudrait bien se passer.

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