Samedi, le TPLF a annoncé avoir pris le contrôle de la ville de Dessie située en région Amhara. Dimanche, c’est la ville voisine de Kombolcha qui est encore tombée dans l’escarcelle du TPLF, selon une nouvelle annonce. En région Amhara, l’état d’urgence est décrété depuis dimanche. Abiy Ahmed a, pour sa part, appelé à une mobilisation générale des Éthiopiens. Tout ceci pour ce qui était censé être une opération rapide de nettoyage. Un an plus tard, il devient de plus en plus évident que le Premier ministre éthiopien s’est laissé prendre à un piège, «un piège sans fin».
Le 4 novembre 2021, cela fera un an jour pour jour que les hostilités ont été ouvertes entre l’armée fédérale éthiopienne et les troupes du TPLF. Ce qui était annoncé pour être une «guerre éclair» est devenu une guerre de longue durée, avec des revirements spectaculaires. Selon les derniers développements, le TPLF aurait pris le contrôle de deux villes importantes de la région Amhara : Dessie, le samedi et Kombolcha, le dimanche 31 octobre.
S’il n’est pas possible de vérifier l’information exacte en raison de l’impossibilité de joindre la région, les combats s’y poursuivent ce lundi, à en croire les habitants de Kombolcha. «La nuit a été marquée par de nombreux coups de feu. J’ai entendu une frappe aérienne, après minuit, en dehors des frontières de Kombolcha», a confié à l’AFP l’un d’entre eux, qui a requis l’anonymat. Mais, Addis-Abeba a démenti cette information. Une porte-parole du gouvernement a déclaré qu’«il n’y a pas eu de frappe aérienne sur Kombolcha durant la nuit», rapporte l’AFP.
Un appel à la «campagne de survie»
Dans tous les cas, la situation paraît très complexe dans la région Amhara au point où les autorités de la région ont décrété l’état d’urgence, dimanche, indiquant que tous les budgets régionaux, les armes et les véhicules pourraient être réquisitionnés pour l’effort de guerre. Toutes les institutions de la région ont été invitées à suspendre leurs services réguliers afin de se concentrer sur ce que les autorités amhara appellent la «campagne de survie».
De son côté, Abiy Ahmed a posté sur Facebook un appel pour inviter les Ethiopiens à faire usage de «n’importe quelle arme (…) pour bloquer le TPLF destructeur, le renverser et l’enterrer», car «mourir pour l’Éthiopie est un devoir pour nous tous», a-t-il ajouté. Ces différents appels à la mobilisation générale, après plusieurs mois passés à préparer une contre-offensive ,sonnent comme un aveu d’impuissance. Les troupes fédérales semblent décidément aux abois. Tout montre qu’elles sont acculées devant la puissance de feu tigréenne.
Et finalement, tout semble prouver qu’Abiy Ahmed s’est engagé dans un conflit dont il ne maîtrisait pas tous les contours. Il a manifestement sous-estimé la puissance de feu du Tigré, la longue expérience de Guerre des Tigréens qui ont mené dans le maquis la lutte contre le régime du Derg jusqu’à la chute du Négus rouge, Mengistu Hailé Mariam, en 1991. Il a négligé le fait qu’une bonne partie de l’arsenal de guerre éthiopien était logé au Tigré en raison de sa proximité avec l’“ennemi” érythréen. Et en plus de tout ceci, il a émasculé son armée en la privant de dizaines d’officiers tigréens emprisonnés dès les débuts du conflit, craignant qu’ils prennent fait et cause pour leurs frères.
Et depuis la contre-offensive tigréenne de juin, la situation semble ingérable pour Addis-Abeba. Avec la tournure que prennent les événements depuis lors, les autorités d’Addis-Abeba perçoivent certainement mieux la profondeur des propos tenus par Wondimu Asamnew, un haut responsable tigréen, à la veille du conflit : «Je pense que, quand on en vient à la mobilisation militaire, il ne s’agit pas d’un jeu d’enfants. Et cela peut déclencher une guerre totale, vous voyez ? Et ce qu’ils font, c’est jouer avec le feu, vous voyez. Tout peut arriver, à tout moment. Une petite étincelle peut enflammer toute la région. Donc je pense que nous sommes en alerte et je peux assurer que nous sommes capables de nous défendre».
Tout se complique pour le régime d’Addis-Abeba, surtout que le TPLF s’est allié, depuis le mois d’août, avec l’Armée de libération oromo (OLA), le bras armé du Front de libération oromo (OLF), qui a, de son côté, annoncé l’entrée, dimanche, de ses troupes dans les villes de Kemise et Senbete, situées au sud de Kombolcha.