Alors que l’OMS a déclaré le niveau 6 de pandémie pour la grippe A (H1N1), l’Afrique compte de nouveaux cas de contamination. Avec un système de santé fragile, le développement de cette épidémie pourrait avoir des conséquences désastreuses sur le continent.
Le Maroc rejoint les pays contaminés par la grippe A. Un troisième cas a été confirmé par le ministère de la Santé dimanche 14 juin, faisant craindre que l’épidémie ne se répande en Afrique. En Egypte, le premier pays du continent touché par le H1N1 depuis le 2 juin, 18 cas étaient comptabilisés lundi 15 juin. Une résidence universitaire de l’American University du Caire a été placée en quarantaine après que cinq cas ont été diagnostiqués parmi les étudiants.
La semaine dernière, l’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) avait déclaré le niveau de pandémie 6. Selon le dernier bilan communiqué par ce lundi l’OMS, 35 928 cas ont été confirmés dans 75 pays, dont 163 morts. Un millier de nouveaux cas sont détectés chaque jour. L’épidémie est apparue en avril dernier au Mexique et aux Etats-Unis. Depuis, les cinq continents ont été touchés.
L’Afrique plus fragile en cas d’épidémie
D’autres cas suspects ont été signalés en Afrique du Sud, au Bénin et aux Seychelles. Il s’agit pour la plupart d’entre eux de voyageurs de retour du Canada ou des Etats-Unis. Pour l’instant, aucun décès n’est à déplorer sur le continent. Mais si l’épidémie semble être sous contrôle dans les pays développés, comme en France où le niveau d’alerte n’a pas été augmenté, des incertitudes quant à la capacité de l’Afrique à lutter contre le H1N1 demeurent.
D’après un communiqué de presse de la Fédération internationale de la Croix-Rouge (FICR) publié le 11 juin, une alimentation déséquilibrée et la présence d’autres maladies risquent d’aggraver la situation des populations africaines en cas d’épidémie. Les personnes les plus vulnérables face à la grippe A souffrent généralement d’autres pathologies comme l’asthme, l’obésité ou le diabète. Le VIH, le paludisme et la tuberculose qui touchent l’Afrique peuvent également être des facteurs aggravants.
La Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) a lancé un appel aux dons pour lutter contre l’épidémie dans les pays pauvres le 30 avril. Elle espérait lever 3,3 millions d’euros mais pour l’instant, elle n’a obtenu que 115 000 euros de promesses de dons de la part des gouvernements sollicités. Cette somme a pour but de financer des programmes pour former et préparer les bénévoles à détecter le virus H1N1. La FICR bénéficie du statut d’auxiliaire d’Etats, c’est-à-dire qu’elle aide les pays en cas de crise humanitaire selon ses besoins. Dans le cas de la grippe A en Afrique, sa mission consiste à former des volontaires capables d’identifier la maladie. «La difficulté en Afrique est qu’il n’existe pas de système d’identification de la maladie, explique Jean-Luc Martinage, porte-parole de la FICR. Une maladie peut être identifiée comme le paludisme alors qu’il s’agit en réalité de la grippe A.»
Pour l’instant, il ne semble pas y avoir d’épidémie massive : la grippe est liée au climat, et il n’existe de période de froid qu’en Afrique Australe. « Mais on ne peut pas connaître la situation dans trois mois. Il vaut mieux prendre des précautions, ajoute Jean-Luc Martinage. Les volontaires formés sur la grippe A se rendent dans les villages pour expliquer les symptômes aux chefs et leur dire qui appeler en cas de besoin. Ils donnent également des consignes sanitaires. Les messages sont les mêmes qu’en France : il faut bien se laver les mains, etc. »
Des mesures sont également prises aux aéroports pour détecter les malades venus d’autres régions, mais rares sont les pays capables de s’équiper de détecteurs thermiques comme au Japon, par exemple.
Un vaccin et un traitement difficiles d’accès
Pour l’instant, il existe un antiviral efficace, le Tamiflu. Des stocks de ce médicament ont été accumulés par les pays occidentaux, mais les pays africains n’ont pas les moyens d’en faire autant. Quant au vaccin, il est en cours d’élaboration. Le laboratoire suisse Novartis a annoncé le 12 juin qu’il pourrait l’homologuer cet automne. En cas de crise, il pourrait produire jusqu’à 5 milliards de doses par an. Mais comme il s’agit d’un nouveau virus, la procédure de vaccination est compliquée : pour être efficaces, trois vaccinations à un mois d’intervalle sont nécessaires. Une trentaine de pays ont déjà passé commande auprès du laboratoire, dont la France qui attend 50 millions de vaccins. Le laboratoire suisse ne prévoit pas de don de vaccins aux pays pauvres alors que Margaret Chan, directrice générale de l’OMS, appelait la semaine dernière à la solidarité.
GlaxoSmithKlino, un laboratoire de recherche qui commercialise le Relenza, un autre traitement contre le virus H1N, annonce quant à lui qu’il offrira 50 millions de doses aux pays pauvres lorsqu’il distribuera à son tour le vaccin pour l’instant au stade de recherche.
Bien que le nombre de cas ne soit pas encore alarmant en Afrique, la vigilance reste de mise contre la grippe A qui pourrait prendre de l’ampleur faute de moyens sur le continent. « C’est une menace à traiter comme telle sans céder à la panique », conclut le porte-parole de la FICR.