La Ghana Broadcasting Corporation (GBC) rassemble la radio et la télévision nationales au Ghana. Kofi Bucknor, directeur de la télévision nous parle de ce medium, qui à l’instar de ses consoeurs africaines, doit faire face à l’invasion des chaînes satellitaires.
Kofi Bucknor, directeur de la télévision nationale ghanéenne participait en septembre dernier à un colloque organisé par Canal France International (CFI) sur les télévisions africaines à Paris. L’occasion de découvrir une partie des activités de la Ghana Broadcasting Corporation (GBC).
Afrik.com : Que pourrait-on dire de GBC en quelques mots ?
Kofi Bucknor : La Ghana Broadcasting Corporation (GBC, ndlr) est une organisation vieille de 70 ans. Créée par les Britanniques pendant la période coloniale pour répondre à leurs besoins en matière de communication, la GBC est devenue un médium majeur dans la lutte pour la décolonisation et plus tard, après l’indépendance, un moyen de mobiliser les populations pour œuvrer au développement de la jeune nation ghanéenne. Historiquement, et aujourd’hui encore, la GBC constitue un outil de communication de choix pour l’Etat sur lequel, il n’a cependant aucune autorité. C’est inscrit dans la Constitution…
Afrik.com : Chose rare dans les pays africains…
Kofi Bucknor : C’est la National Media Communication (NMC, ndlr) qui permet notamment cette séparation entre la GBC et l’Etat. Ce dernier l’utilise d’ailleurs à très bon escient, non seulement pour informer, mais aussi pour permettre à toutes les formations politiques de s’exprimer en toute équité sur les médias nationaux. Les dernières élections présidentielles, où les partis politiques ont bénéficié du même temps d’antenne, ont été encore une fois la parfaite illustration de cette volonté politique. Cependant, depuis une dizaine d’années, le gouvernement s’est désengagé financièrement de la GBC, excepté pour ce qui est du paiement des salaires. Soit 15 % de nos charges. Par conséquent, les avantages sociaux dont bénéficient nos 1 600 employés répartis dans nos 10 antennes régionales et les frais relatifs au fonctionnement et à l’entretien de nos 33 émetteurs doivent être couverts par les revenus générés par la publicité. Par ailleurs, ce n’est que récemment que l’Etat a investi – 35 millions de dollars – dans le renouvellement de nos équipements de production. Nous sommes donc restés 30 ans sans que des investissements substantiels dans ce domaine n’aient été faits, de même que dans la formation du personnel, ce à quoi nous nous essayons de remédier à l’heure actuelle.
Afrik.com : La concurrence doit être par conséquent assez rude pour la GBC…
Kofi Bucknor : Nous sommes de fait en concurrence avec des structures plus petites, plus réactives, qui ont accès aux nouvelles technologies et qui sont animées par des philosophies différentes. Nous avons par conséquent besoin de nous restructurer pour affronter nos concurrents sur un pied d’égalité. Tout en veillant aux conséquences sociales d’un tel processus, c’est à dire sans pénaliser ceux qui ont fait de la GBC ce qu’elle est aujourd’hui. Nous avons d’ailleurs demandé à l’Etat de nous libérer d’une partie de nos dettes par ce que nous sommes surendettés.
Afrik.com : Quelles sont les autres chaînes de télévision ghanéennes et quelle est aujourd’hui votre part de marché ?
Kofi Bucknor : Metro TV, dont la programmation est disponible à l‘étranger grâce au satellite, TV3 soutenue par des intérêts malaisiens et qui fournit un contenu local de grande qualité, TV Africa et une petite chaîne locale qui diffuse à Koumassi (la capitale des Ashanti situé dans le centre du pays, ndlr). Nous avons environ 70% de part de marché, un chiffre qui était auparavant de 100%. Il faut dire que la concurrence est très agressive.
Afrik.com : Dans ce contexte, quels sont les objectifs de la GBC ?
Kofi Bucknor : Notre objectif est de devenir plus performant et plus fort tout en offrant des programmes qui contribuent au développement des populations, aussi bien au Ghana qu’en Afrique. Nous voulons également nous impliquer davantage dans la vente de programmes entre télévisions africaines. Car il est impératif, face à la multiplicité des chaînes satellitaires qui inondent notre paysage audiovisuel, d’avoir une approche transnationale pour avoir la plus large audience possible. Nous ne pouvons pas au Ghana, comme au Burkina Faso – encore une fois, notre Constitution ne nous le permet pas – établir de règles car la NMC, qui fait autorité en la matière, octroie des fréquences sur la base des projets qui lui sont soumis.
Afrik.com : Que fait la GBC pour contribuer à la production de contenus locaux ?
Kofi Bucknor : Metro TV et TV3 ont commencé à émettre sur les fréquences de la GBC. Nous vendons à tous ceux qui le souhaitent des temps d’antenne à un prix qui leur permet de pouvoir réaliser des bénéfices. Il appartient ensuite aux promoteurs de ces programmes de trouver des sponsors pour faire vivre leurs émissions. Par ailleurs, nous allons nous impliquer plus fortement dans la co-production.
Afrik.com : Croyez-vous en l’avenir de la télévision africaine ?
Kofi Bucknor : Il ne peut en être autrement. Nous avons déjà compris qu’il fallait que nous unissions nos forces. Maintenant, il s’agit de définir les modalités de notre stratégie commune. C’est juste une question de temps.