Un rapport publié lundi indique que l’ADN des éléphants peut permettre de déterminer la provenance de l’ivoire que l’on retrouve sur les marchés noirs internationaux. Cette découverte permet de définir avec une grande précision le lieu où les éléphants sont tués pour leurs défenses. Une avancée qui devrait participer à la lutte contre le braconnage.
Les braconniers ont du souci à se faire. Un rapport publié lundi sur le site de l’Académie américaine des sciences explique qu’il est possible de déterminer la provenance de l’ivoire via son ADN. Une prouesse rendue possible grâce à des chercheurs qui ont établi une carte génétique des éléphants d’Afrique, permettant de comparer leurs propriétés génétiques à celle de l’ivoire qui se retrouve sur le marché noir.
La méthode a déjà fait ses preuves. Elle a permis au biologiste Samuel Wasser et ses collègues de l’Université de Washington, en 2002, de déterminer que 6,5 tonnes d’ivoire saisies à Singapour provenaient d’Afrique Australe, et plus précisément de la Zambie et de ses environs. Une information précieuse pour la police, qui était partie sur une fausse piste. Plus globalement, cette carte des éléphants serait efficace à hauteur de 80% à 95% des cas pour déterminer l’origine géographique des défenses.
La fin des magouilles
Cette avancée est de taille pour participer au combat des associations et des autorités locales contre la contrebande. Jusqu’alors, « il fallait toujours suivre la piste des papiers, regarder les documents de navigation, qui a loué les containers, etc., et on pouvait pratiquement toujours revenir au point d’exportation, a confié Bill Clark, co-auteur du rapport et expert en droit de la faune et de la flore, au quotidien sud-africain Mail and Guardian. Maintenant nous pouvons voir sa provenance (…) à l’endroit du braconnage, où le crime est commis à l’origine. »
« En dépit de l’interdiction du commerce de l’ivoire, des quotas de vente sont accordés à certains Etats. D’autres pays en profitent pour en faire autant, et laissent croire que l’ivoire vient de ces voisins. Avec des analyses ADN, il ne sera plus possible de tricher », a expliqué au journal Le Monde Pascal Tassy, directeur du laboratoire de paléontologie au Muséum d’histoire naturelle de Paris.
Le cimetière des éléphants
Ce recoupage de patrimoine génétique est un atout d’autant plus important que le commerce de l’ivoire, interdit depuis 1989, est de plus en plus florissant et lucratif. Notamment en raison d’une forte demande de la Chine. Résultat de ces transactions : 23 000 éléphants africains ont été tués entre août 2005 et août 2006, et le rythme d’abattage s’intensifie depuis quelques années ; le kilo d’ivoire vaut 750 dollars, contre 100 dollars en 1989 et, l’an passé, 24 tonnes d’ivoire obtenues illégalement ont été saisies. Colossal, mais cette prise ne représenterait que 10% de la totalité du trafic…
La carte de l’ADN des éléphants africains ne suffira pas à les sauver d’une mort causée par la cupidité. En revanche, conclut Samuel Wasser, « si la mafia est responsable de cette envolée des prix, la seule façon de mettre fin à ce commerce est d’empêcher l’ivoire d’entrer sur le marché noir international ». Sinon, les éléphants pourraient être menacés d’extinction, comme c’est déjà le cas pour leurs cousins asiatiques.
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Droits photos : WWF Belgique