La récente déclaration d’Emmanuel Macron en soutien au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental a provoqué une onde de choc dans la classe politique française. Cette prise de position dans une période où la France n’a plus de gouvernement à la manœuvre a suscité de vives réactions au sein de la gauche, alors que l’extrême droite est en soutien du président français.
Dans une lettre adressée le 30 juillet 2024 au roi du Maroc Mohammed VI, le Président français, Emmanuel Macron, affirme son soutien à la souveraineté marocaine sur ce territoire. Cette annonce intervient dans un climat politique tendu en France. Emmanuel Macron, affaibli par sa récente défaite aux élections législatives, fait face à une Assemblée nationale où le Nouveau Front populaire est désormais le premier parti de France. Cette configuration pourrait potentiellement conduire à la formation d’un gouvernement de gauche, remettant en question les orientations diplomatiques du président.
La gauche française a unanimement condamné cette décision présidentielle. Fabien Roussel, secrétaire général du Parti communiste français (PCF), a vivement réagi sur les réseaux sociaux, accusant Macron de « trahir la position historique et équilibrée de la France » et craignant une « grave crise diplomatique« . Marine Tondelier, figure de proue des écologistes, a quant à elle qualifié cette décision d' »erreur historique », critiquant particulièrement le fait qu’elle ait été prise « par un homme seul, à la tête d’un État sans gouvernement ni majorité« . Du côté de La France insoumise (LFI), le député Hadrien Clouet s’est inquiété du timing de cette annonce et de ses implications sur le droit international, soulignant l’absence de débat préalable sur un sujet aussi crucial qui engage les relations de la France avec l’ensemble des puissances régionales.
Soutien de la droite et de l’extrême droite
A l’opposé, l’extrême droite française a apporté son soutien à la décision de Macron. Marine Le Pen, figure de proue du Rassemblement National, a exprimé son approbation sur Twitter : « Le gouvernement français n’a que trop tardé pour reconnaître l’engagement constant du Maroc depuis des décennies dans la stabilisation et la sécurisation du Sahara occidental, partie intégrante du royaume chérifien. Nous devons soutenir toutes les initiatives pragmatiques des autorités marocaines qui permettront de consolider la pacification de ce territoire, garante de son développement. » Cette position aligne l’extrême droite française avec la nouvelle position du Président Macron sur ce dossier, créant une alliance inhabituelle. Le président de droite du Sénat, Gérard Larcher, a lui aussi soutenu le président Macron… Ainsi se dessine peut être les contours d’une nouvelle alliance possible qui irait des macronistes au RN en passant par la droite républicaine.
Historique du conflit
Pour comprendre les enjeux, il est nécessaire de rappeler que le Maroc occupe le Sahara occidental depuis 1975. Le Front Polisario, représentant le peuple sahraoui, réclame depuis lors un référendum d’autodétermination, prévu par les accords de 1991 mais jamais réalisé. Cette situation a provoqué l’exode de nombreux Sahraouis vers des camps de réfugiés en Algérie.
Ainsi, l’Organisation des Nations Unies (ONU) maintient depuis des décennies une position en faveur du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Cette position repose sur les résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, qui appellent à la tenue d’un référendum pour permettre aux Sahraouis de décider de leur avenir, qu’il s’agisse de l’indépendance ou de l’intégration au Maroc.
L’ONU continue de promouvoir une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, basée sur la négociation et le respect des aspirations des Sahraouis. Le Secrétaire général de l’ONU et son envoyé personnel pour le Sahara occidental poursuivent leurs efforts pour faciliter les pourparlers entre les parties et encourager le dialogue en vue de parvenir à une résolution pacifique du conflit. Mais force est d’admettre que depuis plus de 30 ans, peu de choses ont évolué dans ce dossier.
Soutien militaire et économique français au Maroc
La déclaration d’Emmanuel Macron n’est pas totalement une surprise. En effet, comme le rapportait Disclose, la France apporte un soutien militaire significatif au Maroc depuis 2019, fournissant des équipements tels que des avions de combat et des navires de guerre pour aider le royaume chérifien dans son combat contre le Front Polisario. Des enquêtes journalistiques ont révélé que ces équipements, produits et entretenus par des entreprises françaises, sont déployés dans la région du Sahara occidental.
De plus, le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a récemment confirmé lors d’une interview conjointe à France 24 et RFI le soutien français à la « marocanité économique » du Sahara. Il a déclaré : « Le Maroc développe économiquement cette zone. Nous avons même été un peu au-delà puisque nous allons même faire venir des opérateurs publics pour la développer avec eux« . Cette déclaration suggère que la France, en contrepartie de son soutien diplomatique, table sur une priorité pour les investissements des entreprises françaises dans la région.
Des prises de position que l’on peut imaginer soutenues, voire inspirées par Eric Dupond-Moretti, avocat de Mohammed VI, ministre de la justice de Macron et très présent dans les rapprochements entre la France et le Maroc.
Implications diplomatiques et économiques
La déclaration de Macron pourrait avoir des conséquences diplomatiques et économiques importantes. En premier lieu, elle va créer des tensions avec l’Algérie et le Front Polisario, deux acteurs majeurs dans la région. Les entreprises françaises du secteur de l’énergie, qui sont très impliquées en Algérie, ne vont pas pouvoir jouer sur les deux tableaux et risquent dont de lâcher la proie pour l’ombre. En second lieu, en cas d’alternance politique en France, la politique étrangère sur ce dossier pourrait être révisée, remettant en question la stabilité de la position française. Enfin, cette prise de position soulève des interrogations quant au respect du droit international et des résolutions de l’ONU par la France, plaçant le pays dans une situation délicate sur la scène internationale. Il va être difficile d’expliquer que l’annexion de la Palestine par Israël est inacceptable tout en soutenant l’annexion du Sahara par le Maroc !
La prise de position de Macron sur le Sahara occidental révèle les profondes divisions au sein de la classe politique française, avec une gauche opposée et une extrême droite en soutien. Elle interroge sur l’orientation de la diplomatie française et sa pérennité, le respect de ses engagements internationaux, et l’équilibre entre intérêts économiques et principes diplomatiques, le tout dans un contexte politique intérieur incertain.