Les locuteurs francophones fêteront jeudi leur journée internationale sans Jean-Marie Bockel. Le secrétaire d’Etat français à la Francophonie, qui voulait signer « l’acte de décès de la françafrique », a laissé son portefeuille, ce mardi, à l’issue d’un remaniement ministériel, pour celui de la Défense et des Anciens combattants.
Jean-Marie Bockel ne fêtera jamais la Journée internationale de la Francophonie, organisée chaque année le 20 mars. Pas en tant que secrétaire d’Etat à la Francophonie en tout cas, un poste auquel il a été nommé le 19 juin 2007 et qu’il a dû quitter, ce mardi, après un léger remaniement du gouvernement français. Plus gênant, le ministre d’ouverture ex-socialiste ne signera jamais « l’acte de décès de la françafrique », comme il l’avait annoncé le 14 janvier dernier lors de vœux retentissants à la presse.
« L’un des premiers freins au développement de l’Afrique, c’est la mauvaise gouvernance, le gaspillage des fonds publics, l’incurie des structures administratives défaillantes, la prédation de certains dirigeants. Tout le monde le sait, bien peu le disent », avait-t-il déclaré en évoquant longuement le cas des pays africains producteurs de pétrole et incapables de « se développer », mettant leur « gouvernance en question ». « Le poids des habitudes est un obstacle [au] changement, la rupture annoncée à Cotonou [par Nicolas Sarkozy] tarde à venir », avait-il insisté avant d’en remettre une couche dans une interview au quotidien Le Monde.
Les présidents Paul Biya (Cameroun) et Denis Sassou N’Guesso (Congo) avaient alors appelé l’Elysée pour protester contre les propos. Le Gabon avait de son côté dénoncé des « clichés méprisants, faisant des Etats africains de vulgaires mendiants sollicitant sans fin l’aumône de la France (…) et] ne pouvant être mus que par l’ignorance des réalités de la coopération franco-africaine ». Le ton est même [monté au début du mois, lorsque la France a expulsé deux ressortissants gabonais, avant que France 2 ne diffuse une « enquête », dans son JT de 20 heures, le 3 mars dernier, consacré au patrimoine du président Bongo Ondimba en France. Une campagne de dénigrement pour le Gabon, qui avait menacé de se tourner vers d’autres partenaires « plus respectueux de la dignité de ses peuples et de la souveraineté » des Etats africains.
Bockel ne rendra pas sa « synthèse »
A l’issue de la défaite subie par l’UMP lors des élections municipales du 16 mars dernier, tous les hommes politiques du parti au pouvoir ont assuré sur un même air que les électeurs français, à travers leur vote, demandaient au gouvernement d’accélérer le rythme des réformes annoncées. Peut-être pas toutes les réformes. Bockel, connu pour son franc-parler, aurait dû utiliser le même mode d’expression que ses concitoyens pour être entendu, et pas remercié. Au lendemain de sa sortie médiatique, Nicolas Sarkozy avait pourtant chargé son secrétaire d’Etat à la Francophonie de faire « la synthèse » des propositions des ambassadeurs français pour que Paris ait « une action plus proche de la société civile » dans ses relations avec l’Afrique.
Jean-Marie Bockel, qui assume ses propos – ils figurent en bonne place dans la partie medias du site de son nouveau parti, Gauche moderne – a été réélu de justesse, dimanche dernier, à la mairie de Mulhouse. Exclu du Parti socialiste après son entrée au gouvernement de François Fillon, il avait déclaré : « Ça fait dix ans que j’œuvre, que je milite sans grand succès pour la modernisation du PS, pour y prôner en tout cas des idées davantage sociales-libérales, blairistes, des idées qui peut-être nous auraient permis d’ailleurs de gagner la présidentielle si on avait su davantage les défendre ». Les mauvaises langues diront que l’ancien colonel de réserve de l’armée de l’air aura du mal à faire avancer le blairisme, en France, au sein du secrétariat à la Défense et aux Anciens combattants, qui lui a été confié en remplacement du précédent.
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Droit photo : Gauche moderne