Selon les témoignages d’observateurs avertis de la scène politique équato-guinéenne, l’annonce de l’autorisation du parquet de Paris pour l’émission d’un mandat d’arrêt international contre Théodoro Obiang Nguema Mangue dit « Téodorin » serait bien accueillie par une partie de l’entourage du président équato-guinéen.
Il est bien entendu évident que dans un contexte de rapports de force autour des avantages et des postes de pouvoir, les malheurs du fils du président feraient le bonheur des souffre-douleurs des frasques et des excès du play-boy de Bata. Le président équato-guinéen prendrait en toute hypothèse très au sérieux cette éventualité de mandat d’arrêt qui pousse désormais le turbulent Mangue, qui passait déjà peu de temps en Guinée équatoriale en tant que ministre, à se murer dans le palais présidentiel ou dans son village natal d’Acoacán, à l’extrême est du pays, à la frontière avec le Gabon.
Bata serait en ce moment quadrillée par des militaires et des chars. En effet, le gouvernement de Théodoro Obiang Nguema « est conscient que l’unique but des juges, autorités et agents français est de provoquer une déstabilisation interne de la République de Guinée équatoriale », peut-on lire dans un communiqué à la suite de la décision du parquet de Paris le 28 mars 2012. Le yacht de Téodorin, qui est l’un des plus chers au monde, et qui est la réplique de celui du milliardaire russe Roman Abramovich, pourrait lui permettre de voguer en haute mer, en zone internationale. Mais qui sait, comme dit la rue équato-guinéenne en ce moment, des parachutistes français pourraient bien mettre le grappin sur le play-boy de Bata. Une escapade à bord de cette gigantesque monture pourrait donner lieu à de jouissives virées marines qui diraient taratata ! à « l’acharnement » de Paris contre ces biens acquis par le fils de Théodoro Obiang.
Monsieur Obiang, qui déclarait encore sur les antennes d’une radio internationale que son fils « fait des affaires » pour gagner son argent. Bel amalgame! Son yacht de 200 milliards de FCFA a de quoi donner le tournis à tous ces quadra africains (Téodorin n’a que 41 ans!) qui ne savent pas que « faire les affaires » peut rapporter gros : 162 mètres de longueur, deux pistes d’atterrissage pour hélicoptères, un équipage de 70 personnes, boîtes de nuit, piscine… Une vraie rue de la joie flottante.
Téodorin n’est pas un apprenti-viveur, il ne raffole pas que de Lamborghini et de Ferrari, la rumeur de Bata dit qu’il coure le guilledou même sur les plates-bandes d’un de ses oncles. Vrai ou faux, l’opinion publique de ce pays n’en sait rien : la presse n’y est bien sûr pas libre, Internet n’y est pas accessible au premier venu. Un habitant de Bata affirme même, pince-sans rire, « après la Somalie, la Guinée équatoriale est le pays africain où les institutions sont quasi inexistantes ». Excessif ? Probablement. Parce que ce pays du golfe de Guinée est devenu le troisième pays producteur de pétrole en Afrique subsaharienne, et bénéficie depuis une décennie d’une croissance économique à deux chiffres ce qui en fait théoriquement, sur la base du PIB, l’un des pays les plus riches du monde. Il ne faut pourtant pas pavoiser, le pays est théoriquement riche, mais les populations sont parmi les plus pauvres selon l’indice du développement humain (121e sur 177 pays) alors que la répartition du même PIB le classe à la 52e place mondiale (le Cameroun est 140ème devant le… Pakistan). C’est la preuve que les richesses du pays ne profitent qu’à une minorité, une minorité capable de « faire des affaires ».
Mesures de rétorsion
Mais Bata a déjà averti dans un communiqué officiel fin mars : « si la France veut une rupture de ses relations avec l’Etat équato-guinéen de façon unilatérale, qu’elle le manifeste clairement et les entreprises françaises devront partager les conséquences négatives qui découlent de cette situation ». Il n’est pas impossible que ces objurgations aillent jusqu’à abandonner la langue française comme seconde langue officielle du pays après l’espagnol. Le Rwanda ne l’a-t-il pas fait en faveur de l’anglais sans en perdre son latin ?
« Tout pouvoir sans contrôle rend fou », disait Alain. Le pétrole rend également fou. Si la folie mène à l’asile, la folie du pétrole mène au capharnaüm : comme en Irak, en Libye, au Soudan. Mais Téodorin n’a cure, son bateau pourra lui offrir le confort d’une île déserte, pour s’encanailler éventuellement paisiblement sur les eaux internationales. Par ces temps d’austérité, la France risquerait-elle d’envoyer son porte-avions, le Charles de Gaulle à ses trousses ? Obama a déjà trop à faire avec la Syrie, l’Afghanistan, l’Iran, sans parler de Pyongyang (qui testerait des missiles intercontinentaux sous forme de fausses fusées spatiales) pour courir après un mauvais-coucheur de fils de président africain. Quant à la Grande-Bretagne, elle n’a même pas de porte-avions. Quel veinard, Téodorin !
Par François Bimogo