C’est un cadeau de François Hollande, à quelques jours de la fin de son mandat, le Président français à fait déclassifier des documents relatif à l’affaire Ben Barka, cet opposant socialiste du régime Hassan II, enlevé en pleine rue à Paris avant d’être exécuté. Son corps n’a jamais été retrouvé.
Par deux textes parus le 5 mai au Journal Officiel, la France annonce la levée du secret sur de nombreux documents concernant l’enlèvement en pleine rue à Paris de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka.
En exil à Paris depuis l’arrivée au pouvoir d’Hassan II, Mehdi Ben Barka est abordé le 29 octobre 1965 par deux policiers français devant la brasserie Lipp, situé sur le boulevard Saint-Germain. Ils l’emmènent avec eux à bord d’une 403. Le chef d’escale d’Orly Antoine Lopez est également à bord du véhicule prêt à escorter Ben Barka dans la villa de Georges Boucheseiche, à Fontenay-le-Vicomte. Bien que discret, Boucheseiche est l’homme de toutes les embrouilles. De la Gestapo, il atterri dans le gang des « Tractions Avant » dans les années 1960. Une bande de malfaiteurs de Pigalle formée à la fin de la 2nd guerre mondiale.
Ensuite l’histoire est plus floue. Selon certains, le leader de la gauche marocaine aurait été torturé par Boucheseiche et sa bande. Ahmed Boukhari, ancien agent secret marocain, prétend que le général Oufkir et le colonel Dlimi auraient brutalisé et tué l’opposant marocain. De son côté, Lopez a confié, en 2000, dans les tribunes du Parisien, que c’est Boucheseiche l’assassin « accidentel » de Ben Barka. Il aurait asséné un coup fatal au révolutionnaire qui commençait à se débattre en voyant arriver le général Oufkir, son ennemi juré. Une chose est sûre, que ce soit les uns ou les autres, les protagonistes ont réussi à ne laisser aucune trace du corps. Les malfaiteurs, Lopez en tête, ont longtemps prétendu que Mehdi Ben Barka avait été enterré près de la ville de Fontenay, alors que d’anciens prisonniers politiques marocains ont affirmé que celui-ci a été enterré au PF3 (ndlr : Point Fixe n°3), une prison secrète à Rabat.
Et depuis plus de 50 ans plus rien, malgré la déclassification de quelques documents et un coup de théâtre en 2001 avec les révélations d’Ahmed Boukhari, ex agent secret du « Cab 1 » (ndlr : cabinet 1 des services secrets marocains), a affirmé avoir assisté à l’exécution de Ben Barka. Selon lui, Oufkir et Dlimi sont à l’origine de la mort du tiers-mondiste. Ben Barka aurait ensuite été transporté au Maroc où son corps aurait été dissous dans une cuve d’acide. Le journaliste de France 3 Joseph Tual, qui a longuement enquêté sur cette affaire, a vivement critiqué Ahmed Boukhari indiquant que ses déclarations étaient infondées et imaginaires.
La récente décision de déclassification concerne près de 90 documents ;
Vu la lettre de saisine de M. Jean-Yves LE DRIAN, ministre de la défense, en date du 6 avril 2017 relative à la requête en déclassification en date du 27 mars 2017 émanant de M. Cyril PAQUAUX, vice-président chargé de l’instruction au tribunal de grande instance de Paris, et formulée dans le cadre d’une information judiciaire ouverte « contre X pour homicide volontaire et complicité d’homicide volontaire dont la victime est Mehdi BEN BARKA »,
Emet un avis favorable à la déclassification des 89 documents suivants émanant du ministère de la défense (archives du service de documentation extérieure et de contre-espionnage) :
Selon RFI, ces documents sont retournés chez le ministre de la Défense pour la décision finale qui interviendra avant le dimanche 14 mai. Suivra le transfert de ces documents chez le juge d’instruction, pour qu’enfin la défense puisse consulter ces documents.
Par contre, un autre document n’a pas obtenu l’autorisation de déclassification
La Commission du secret de la défense nationale, régulièrement convoquée et constituée, en ayant délibéré,
Vu le code de la défense, notamment ses articles L. 2312-1 à L. 2312-8 ;
Vu l’article 56-4 du code de procédure pénale ;
Vu les avis n° 2010-10 du 1er octobre 2010 et n° 2011-03 du 20 janvier 2011 de la Commission consultative du secret de la défense nationale ;
Vu la lettre de saisine de M. Matthias FEKL, ministre de l’intérieur, en date du 4 avril 2017 relative à la requête en déclassification en date du 27 mars 2017 émanant de M. Cyril PAQUAUX, vice-président chargé de l’instruction au tribunal de grande instance de Paris, et formulée dans le cadre d’une information judiciaire ouverte « contre X pour homicide volontaire et complicité d’homicide volontaire dont la victime est Mehdi BEN BARKA »,
Emet un avis défavorable à la déclassification du document n° 1 du scellé n° 11 constitué lors d’une perquisition faite le 3 août 2010 dans les locaux de la direction générale de la sécurité extérieure, dont le contenu est sans rapport possible avec l’objet de l’information judiciaire.
Pour son fils Bachir Ben Barka, qui se bat depuis plus de 50 ans pour que la vérité soit faite dans cette affaire, cette déclassification est un premier pas, mais il a aussi demandé à ce que le Maroc fasse de même pour que l’information progresse réellement.