La France va restructurer son dispositif militaire sur le continent africain, pour le regrouper en quatre bases principales : le Sénégal, le Gabon, Djibouti et l’île de la Réunion. Cette initiative viserait à responsabiliser d’avantage les Africains sur leurs propres questions de sécurité, tout en s’alignant sur les récentes initiatives de l’Union Africaine qui projette de s’organiser en sous-régions.
Par Floréal Sotto
La France annonce le redéploiement de ses troupes en Afrique. Elle souhaite moderniser son implication afin de répondre avec plus d’efficacité aux besoins d’un continent en mouvement. Les bases militaires actuelles devraient être réparties en quatre pôles principaux, le Sénégal, le Gabon, Djibouti et l’île de la Réunion, pour s’adapter au découpage en sous-régions de l’Union Africaine (UA). Ce projet géostratégique soulève une fois de plus la question des intérêts de la France sur le continent.
« Ce n’est pas un redéploiement, mais une simple évolution », assure le lieutenant de vaisseau Bellis, officier de presse au ministère de la Défense, contacté par Afrik. «Rien ne va changer en termes d’effectifs et d’implantations, ni même dans les accords de défense ». Voilà qui semble éloigner une des questions principales : « S’agit-il ou non d’un désengagement progressif de la présence militaire française en Afrique ? » La France tiendrait toujours à ses positions africaines, mais elle se trouve, dans le contexte actuel, obligée de replacer ses pions. « Il s’agit d’une évolution très importante qui correspond à celle des Africains eux-mêmes », a récemment indiqué le porte-parole du ministère de la Défense, Jean François Bureau, lors d’une conférence de presse à Paris.
Pas de changement d’effectif, mais d’importants mouvements de contingents
Mais ce discours apparaît comme une lame à double tranchant. Aux premiers abords, la France semble en effet soucieuse de « continuer à soutenir l’UA qui a toujours besoin d’un soutien logistique pour mener des missions complexes », comme l’indique Mike Govern, Directeur du projet Afrique de l’Ouest du Crisis Group. Le redéploiement des troupes correspondrait donc principalement à un renforcement de leur coopération – l’UA souhaitant mettre en place, d’ici 2010 une « Force Africaine de Prépositionnement » (AFS) de 25 000 hommes, repartis en trois sous-régions (Sénégal pour l’Afrique de l’Ouest, le Gabon pour l’Afrique centrale, Djibouti pour l’Afrique de l’est).
Mais d’un autre côté, force est de constater, à titre d’exemple, que l’enlisement récent des troupes en Côte d’Ivoire semble avoir joué un rôle majeur dans cette initiative. En effet, la guerre en Côté d’Ivoire a suscité de vives réactions « anti-françaises » au sein du peuple ivoirien, invitant les troupes de l’Opération Licorne à se désengager. Dans ce contexte il faut noter que les deux seules bases à être « déclassées » seront celles de Côte d’Ivoire (qui compte actuellement 4 000 soldats) et du Tchad. Elles seront respectivement intégrées aux troupes du Gabon et du Sénégal.
Des intérêts divers
Il faut aussi noter les intérêts géostratégiques et économiques de ce redéploiement. Chaque base a été choisie en conséquence. Celle de Dakar, par exemple, « permet à la France d’avoir le meilleur relais maritime et aérien vers l’Afrique du Sud, le Golfe de Guinée et l’Amérique latine», affirme le journal sénégalais Wal Fadjri. Pour sa part, Djibouti « constitue un mouillage atomique sans comparaison en Afrique de l’Est », poursuit le quotidien.
On peut également noter que la France propose d’ouvrir ses états-majors à des membres de l’Union Européenne (UE), afin de déléguer, en partie, son pouvoir de décision. Cette initiative intervient alors que la crise ivoirienne a mis au grand jour le poids financier pour la France de ses positions africaines (7 000 soldats pour un budget de 200 millions d’euros). L’hypothèse d’une collaboration avec l’UE semble bienvenue, car « elle pourrait permettre à la France de faire des économies », explique Mike Govern.
Ce projet français sera rendu public en décembre prochain à Bamako. Mais selon Mike Govern un risque primordial subsiste néanmoins dans cette initiative : « la possibilité d’un vide entre l’ancien et le nouveau dispositif mettrait en péril les Etats africains, car il pourrait y avoir des conséquences dans le maintien de la sécurité des civils si la restructuration n’est pas bien organisée ». Certains pays pourraient en effet être déstabilisés par une nouvelle donne dans les rapports de force au niveau national.