La France réajuste sa stratégie militaire en Afrique avec Djibouti comme nouveau centre de projection


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Emmanuel Macron, Président français
Le Président français, Emmanuel Macron

Le Président français, Emmanuel Macron, a annoncé une révision significative du rôle de la base française de Djibouti, en réponse à un contexte géopolitique en pleine mutation en Afrique. Ce réajustement survient après le retrait forcé des forces françaises du Sahel, marqué par la montée en puissance de régimes militaires pro-russes dans plusieurs pays de la région. Macron a indiqué que la base de Djibouti deviendrait désormais un « point de projection » pour mener des « missions » en Afrique.

Lors d’une visite à Djibouti, où il a rencontré les forces françaises stationnées dans le pays, Emmanuel Macron a expliqué que la nature de l’engagement de la France en Afrique devait évoluer, en raison des transformations profondes dans le monde et sur le continent africain. « Notre rôle change en Afrique, car le monde change en Afrique, les opinions publiques changent, et les gouvernements changent », a-t-il déclaré. Il a précisé que cette évolution faisait suite à des décisions prises en février 2023, après plusieurs années de réajustements progressifs des relations entre la France et ses partenaires africains.

Djibouti, pivot stratégique pour la France en Afrique

La base française de Djibouti, qui est la plus importante des bases françaises à l’étranger, représente un atout stratégique. Avec près de 1 500 militaires stationnés sur place, elle est située dans une zone géopolitique particulièrement sensible, au carrefour entre la mer Rouge et le golfe d’Aden, à proximité du détroit de Bab-el-Mandeb, point névralgique du commerce mondial. Malgré la réduction de l’empreinte militaire française en Afrique, Djibouti reste une plaque tournante pour les opérations militaires françaises, notamment dans le cadre de la stratégie Indo-Pacifique de la France.

Emmanuel Macron a précisé que, bien que Djibouti reste un point focal de la stratégie française dans la région, sa fonction sera réinventée pour servir de plateforme pour certaines missions africaines. Cependant, les détails de ces nouvelles missions demeurent flous, bien qu’il soit évident que cette réorientation fait écho à la nécessité de s’adapter à la nouvelle dynamique politique et militaire du continent, particulièrement après les récentes déconvenues de la France dans le Sahel.

Le retrait des forces françaises du Sahel : une réalité incontournable

Le départ des troupes françaises du Sahel, entamé en 2022 et 2023, est l’un des éléments déclencheurs de cette réorientation stratégique. La France a été contrainte d’évacuer ses soldats du Mali, du Burkina Faso et du Niger, des pays où des juntes militaires ont pris le pouvoir, souvent après des coups d’État, et se sont rapprochées de la Russie. Ce changement dans les alliances régionales a remis en question l’approche de la France, qui a longtemps été un acteur central dans la lutte contre le terrorisme et l’instabilité au Sahel.

Le retrait des troupes françaises, notamment après la rupture des accords de coopération militaire avec le Mali et le Burkina Faso, a été perçu comme une victoire pour les régimes militaires soutenus par Moscou. Le Tchad, quant à lui, a également demandé le départ de centaines de soldats français, en novembre 2023. Ce qui marque une nouvelle étape dans le redéploiement des forces françaises en Afrique. Le Sénégal a, de son côté, exprimé son désir de voir la France réduire sa présence militaire dans la région, un souhait qui confirme la tendance à une réorganisation du dispositif militaire français en Afrique.

Réorganisation du dispositif militaire français en Afrique

Ce réajustement des positions françaises intervient dans un contexte où la France cherche à redéfinir ses relations avec ses anciens partenaires africains. Après des années de présence militaire en Afrique, la France a reconnu la nécessité de modifier son approche en raison de l’évolution des politiques internes de certains pays africains, de l’influence grandissante de la Russie, et des tensions internes croissantes concernant la présence militaire étrangère sur le continent.

Dans ce contexte, l’annonce du Président Macron est une tentative de concilier les intérêts stratégiques de la France avec les nouvelles réalités politiques africaines. Au-delà du retrait des forces françaises du Sahel, cette réorganisation visera à renforcer la coopération avec des partenaires jugés plus respectueux de la souveraineté nationale, en mettant l’accent sur des missions de formation, de renseignement, et d’aide à la sécurité dans les pays concernés. Le Président français a d’ailleurs souligné la nécessité de construire un partenariat qui repose sur le respect mutuel. Il a souligné que la France aidera désormais ses partenaires africains à renforcer leur autonomie en matière de sécurité.

Vers une coopération plus respectueuse de la souveraineté des États

Cette révision de la stratégie militaire française en Afrique reflète un désir de la part de la France de s’adapter à un environnement politique et géopolitique qui évolue rapidement. Le monde change, et avec lui, la perception qu’ont les pays africains de la présence militaire étrangère. Au fur et à mesure que les opinions publiques et les gouvernements évoluent, les anciennes pratiques de coopération sont remises en question. Les ambitions françaises, à travers la base de Djibouti et la redéfinition de son rôle en Afrique, visent ainsi à bâtir une relation plus équilibrée et respectueuse des aspirations des nations africaines.

Le départ des forces françaises du Sahel, bien qu’il soit vu comme une réorientation stratégique, symbolise aussi la fin d’une époque de présence militaire massive et permanente dans cette région. La France semble désormais plus concentrée sur des partenariats bilatéraux, fondés sur des missions spécifiques et un soutien technique, tout en cherchant à répondre aux aspirations de souveraineté croissantes des pays africains, tout en veillant à maintenir son influence stratégique sur le continent.

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Une plume qui balance entre le Sénégal et le Mali, deux voisins en Afrique de l’Ouest qui ont des liens économiques étroits
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