Les autorités françaises ont qualifié mercredi d’« inacceptables » les accusations portées par le Rwanda quant à l’implication de la France dans le génocide de 1994. Quelques heures plus tôt, le ministre rwandais de la Justice Tharcisse Karugarama réaffirmait sa volonté de poursuivre les 33 personnalités françaises incriminées avec la coopération de la justice française.
« Il y a dans ce rapport des accusations inacceptables portées à l’égard de responsables politiques, militaires et diplomates français », a déclaré mercredi un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. C’est la réponse de la France aux accusations portées mardi par le Rwanda quant à son implication dans le génocide de 1994. Le rapport de la « Commission indépendante chargée par les autorités rwandaises de rassembler les preuves montrant l’implication de l’Etat français dans le génocide perpétré au Rwanda en 1994 » incrimine 33 responsables français. Vingt militaires et 13 hommes politiques, parmi lesquels, l’ancien chef de l’Etat François Mitterrand, décédé en 1996, l’ancien Premier ministre Edouard Balladur ou encore l’ancien ministre des Affaires étrangères Alain Juppé.
Le Rwanda veut coopérer avec la justice française
« Vu la gravité des faits allégués, le gouvernement rwandais a enjoint les instances habilitées à entreprendre les actions requises afin d’amener les responsables politiques et militaires français incriminés à répondre de leurs actes devant la justice », a indiqué mardi Tharcisse Karugarama, le ministre rwandais de la Justice. La France, selon le rapport de la Commission, « était au courant des préparatifs du génocide, a participé aux principales initiatives de sa mise en place et à sa mise en exécution ». « Des militaires français ont commis eux-mêmes directement des assassinats de Tutsis et de Hutus accusés de cacher des Tutsis. […] Et ils ont commis de nombreux viols sur des rescapées tutsies ».
Dans un entretien accordé au site Internet du Nouvel Observateur publié ce mercredi, Tharcisse Karugarama entend même solliciter l’aide de son homologue français Rachida Dati. « Ce rapport constitue une base pour des poursuites judiciaires pour les personnes incriminées. Comme il est normal dans des relations entre Etats, nous allons demander à la coopération de la justice française. » Le Rwanda devrait s’en remettre au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) s’il rencontre des difficultés.
L’association Ibuka, principale association de survivants du génocide, va plus loin en estimant que la France aurait dû prendre les devants. « La justice française devrait être la première à se préoccuper de traduire en justice les criminels français », d’autant qu’elle s’active « contre des ressortissants d’autres pays », a confié à l’AFP son président, Théodore Simburudari.
La commission rwandaise accuse, la mission parlementaire française innocente
En attendant, la France veut s’en tenir aux conclusions de la mission d’information parlementaire de 1998. D’après cette dernière, la France n’a « en aucune manière incité, encouragé, aidé ou soutenu ceux qui ont orchestré le génocide et l’ont déclenché ». La justice française a demandé à entendre le président rwandais Paul Kagame dans l’enquête sur l’assassinat de son prédécesseur, Juvénal Habyarimana. L’attentat contre son avion le 6 avril 1994 est à l’origine du génocide qui a fait 800 000 morts, en majorité des Tutsis et des Hutus modérés.
La requête du juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière avait conduit à la rupture des relations diplomatiques, à l’initiative de Kigali, entre la France et le Rwanda. Ce nouvel épisode dans les relations houleuses entre les deux pays ne devrait pas fléchir la « détermination (de Paris, ndlr) de construire une nouvelle relation avec le Rwanda, au-delà de ce passé difficile », a assuré mercredi le Quai d’Orsay.