Deux attentats ont successivement visé le lycée et le centre culturel français de Lomé dans les nuits de mercredi et jeudi dernier. Des événements que l’AFP a ignoré et que seule RFI, en France, a brièvement rapporté. La condamnation des attentats par le Quai d’Orsay n’est intervenue que ce mercredi, une semaine après les faits, alors que les Togolais se demandent toujours à qui les attribuer.
Deux attentats ont visé les intérêts français à Lomé, la capitale togolaise, dans les nuits du mercredi 16 et du vendredi 18 juillet dernier. « L’explosion qui est intervenue au lycée français, vers 23 heures, a sérieusement endommagé un local mais n’a fait aucune victime, l’établissement étant fermé pour cause de vacances. Celle qui est intervenue au Centre culturel français (CCF) s’est produite une demi-heure après la fin d’un spectacle. Elle n’a donc fait aucune victime mais des dégâts assez importants. La police a ouvert une enquête et nous n’avons actuellement aucune indication sur la nature et l’origine des explosions », explique l’ambassade de France à Lomé. En mai dernier, un restaurant français et une station TotalFinaElf avaient déjà été visés, après que la candidature de l’opposant Gilchrist Olympio ait été refusée aux élections présidentielles. « Mais la police n’a jamais donné de conclusions, politiques ou criminelles, à cette affaire », indique-t-on à l’ambassade.
Seule Radio France international (RFI), samedi, ainsi que Le Togolais, deux jours plus tard, ont rapporté les les faits que l’Agence france presse (AFP) a totalement ignoré. La situation dans la capitale togolaise n’était pas plus claire : « aucune information ne passe, explique un journaliste joint sur place. On a bien entendu les explosions pendant la nuit, mais c’est seulement samedi que nous avons appris, par RFI, que des intérêts français avaient été visés ». Devant le silence observé par les autorités – le Quai d’Orsay ne s’est prononcé que ce mercredi, une semaine après les faits, pour « fermement » condamner les attentats – les Togolais restent circonspects quant à l’origine de ces attentats. Et semblent partagés entre l’hypothèse d’un nouveau moyen de lutte contre le pouvoir en place et son indéfectible allié, la France, et une manipulation de ce même pouvoir pour décrédibiliser l’opposition.
« Floués par Chirac »
Mais quelles que soient les origines de ces attentats, les opposants togolais nourrissent de nombreux regrets face à la politique togolaise de la France. « Le sentiment général au Togo, avant même les résultats des élections de juin dernier, est que nous avons été victimes d’un marché de dupes entre Chirac et Eyadéma, explique Pascal, un journaliste vivant dans le quartier populaire de Bè, à Lomé. Le Président français s’était engagé lors de sa visite au Togo, en 1999, et c’est lui qui avait convaincu l’opposition de collaborer avec le régime en place. En contrepartie, les deux chefs d’Etats avaient convenus qu’Eyadéma ne se représenterait pas aux présidentielles de juin 2003, conformément à la loi. Quand ce dernier, en décembre 2002, a modifié la Constitution pour pouvoir se représenter, tout le monde attendait une réaction du Président Chirac… qui n’est pas venue. Mais lorsque Chirac a reconnu la victoire d’Eyadéma et l’a félicité avant même que les résultats aient été officialisés, les gens ont eut le sentiment d’avoir été floués. »
Alors même que l’Union européenne (UE) se montrait ferme face au régime togolais, la France contribuait maladroitement à sauver les apparences démocratiques d’une élection entachée d’irrégularités. Quinze jours avant le début des élections, le 15 mai, l’UE déclarait qu’elle refusait de cautionner les élections togolaises en y envoyant ses observateurs, dans la mesure où sa mission exploratoire avait été refusée au Togo. Seule la France, en Europe, avait tenue à se faire officieusement représenter, notamment par l’Agence de la Francophonie. Pire encore, l’UE a fait savoir à l’issue des élections que sa coopération avec le Togo, suspendue depuis 1993 pour « déficit de démocratie », ne reprendrait pas. Réponse de Paris, le 14 juillet dernier, au cours de la fête nationale célébrée à l’ambassade de Lomé : la France ne pourrait se « satisfaire de la situation de blocage actuelle » entre l’Europe et le Togo.
Prospectives
Pour autant, Pascal voit mal l’opposition, politique ou autre, s’en prendre aux intérêts français. « Les gens n’en veulent pas à la France mais à son Président. Les Togolais fréquentent assidûment le CCF et je vois mal pourquoi ils iraient le plastiquer. » En revanche, l’opacité actuelle aidant, certains journalistes d’opposition ne sont pas loin d’imaginer que le régime en place ait pu diriger les attentats afin de discréditer l’opposition. En effet, l’UE conseille vivement à Gnassingbé Eyadéma de former un gouvernement incluant toutes les composantes politiques du pays s’il souhaite voir la coopération économique reprendre avec elle. Mais l’entente avec les partis d’opposition semble des plus difficiles depuis la fin des élections, dont ils ont tous dénoncé le déroulement.
Beaucoup de prospectives, en sommes, que les silences des autorités françaises et togolaises ne feront qu’encourager.