Dans un rapport d’information intitulé «Politique africaine de la France», la commission des affaires étrangères du Sénat français revient sur trente ans de relations franco-africaines. Un rapport, déposé au début du mois, qui omet certains éléments gênants. Décryptage.
« Depuis 30 ans, du discours de La Baule au discours du Cap, la politique diplomatique et de défense de la France en Afrique évolue sans rupture majeure mais en suivant l’évolution des grands bouleversements mondiaux et en s’y adaptant », commence humblement le rapport. Ce dossier évoque l’évolution des rapports franco-africains des trente dernières années en deux chapitres. Le premier est axé sur la politique de coopération et d’aide au développement ; le second, sur la politique de défense et la stratégie militaire française en Afrique. Au fil des quarante pages de synthèse, la commission des affaires étrangères du Sénat, présidée par Josselin de Rohan (UMP) dresse un historique relativement complaisant de la politique française sur le continent.
Le gênant discours de Dakar
Les discours des différents sommets France-Afrique depuis 1990 constituent la colonne vertébrale du rapport, pour la simple raison qu’ils traduisent efficacement l’orientation et les engagements politiques des chefs d’Etat français qui les ont prononcés. Le discours de Yaoundé en 1983 marque ainsi un tournant dans la rupture de l’histoire coloniale entre la France et l’Afrique ; celui de La Baule en 1990 sera le discours qui marquera « une indiscutable impulsion au développement de la démocratie en Afrique » ; enfin, le discours du Cap prononcé par Nicolas Sarkozy en 2008 illustre « l’accroissement des investissements privés sur le continent ». Des discours incontournables, il est vrai, pour analyser l’évolution de la politique africaine de la France. Mais il convient de n’en omettre aucun, et surtout pas celui, très controversé, de Dakar en 2007 comme se permettent de le faire les parlementaires. Nicolas Sarkozy avait notamment affirmé que «le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire». « Nous n’avons pas souhaité prolonger la polémique. La formulation n’était pas très adroite », admet Josselin de Rohan, le président de la commission des affaires étrangères du Sénat. Cette allocution est pourtant un outil incontournable pour analyser l’évolution de la politique migratoire entre l’Afrique et la France, encore d’actualité aujourd’hui.
Une coopération en mutation
A en croire le rapport, la politique de coopération de la France « qui s’appuie sur un message fort de fidélité et de solidarité avec l’Afrique » n’a cessé d’être réformée depuis 1990 pour « refonder les relations franco-africaines », au sortir de la guerre froide. Le texte explique également la volonté des gouvernements successifs de « s’approcher progressivement des 0,7 % » du PIB consacré à l’aide publique au développement (APD) fixé par l’ONU. Ce qui s’apparente à une volonté forte est beaucoup moins vérifiable dans les faits. « Il faut avouer que nous en sommes encore très loin », précise Josselin de Rohan, le porteur du rapport, joint par téléphone. Effectivement, les derniers chiffres disponibles, qui ne sont pas mentionnés dans le rapport, donnent une ADP de 0,39 % en 2008. Bien loin de l’objectif des Nations Unis. De plus, le nombre des pays bénéficiaires a été multiplié par deux depuis 1990, avec pour conséquence inévitable, une diminution des aides pour chaque pays bénéficiaire. L’Afrique reste tout de même la priorité de l’aide publique française puisque le continent représente 53 % des aides bilatérales.
Une implication militaire multilatérale
Depuis 1960, les effectifs des forces françaises en Afrique ont été divisés par trois, passants de 30 000 à 10 000 hommes aujourd’hui. Depuis 2008, la France est d’ailleurs en train de réviser ses accords de défense avec la plupart de ses partenaires africains. Les nouveaux accords interdisent les clauses secrètes. Une transparence qui peut-être saluée. De plus, le rapport exprime la volonté française de continuer son implication militaire dans le transfert de compétence, via le projet RECAMP, et de réduire ses implications militaires bilatérales. « La France mise également sur l’émergence d’une réelle diplomatie européenne », commente Josselin de Rohan pour appuyer les propos du rapport. Dans un sous-chapitre intitulé « L’Europe : un acteur de la sécurité en Afrique qui s’affirme », la commission des affaires étrangères explique que « le passé unilatéraliste de la politique africaine française a été un élément dissuasif pour certains Etats européens qui craignaient d’associer leur image à une politique jugée d’inspiration néocoloniale ». Si la diplomatie européenne se fortifie, la France pourrait perdre son image de « Gendarme de l’Afrique », un autre aspect de la politique africaine française depuis la décolonisation qui est négligé dans le rapport.