Le passé rattrape inévitablement le présent. En politique, c’est encore plus juste. La France a vu resurgir son passé colonial au moment où elle commence à se dégager du continent.
Abidjan vient lui rappeler qu’elle était son meilleur élève et gendarme dans la région. La Côte d’Ivoire de Félix Houphouët-Boigny a toujours répondu présente au moindre caprice de Paris. De de Gaulle à François Mitterrand. Quand il fallait isoler Sékou Touré ou calmer Thomas Sankara, les autorités françaises savaient qu’elle pouvait compter sur la locomotive de l’Afrique de l’Ouest. C’est forte de ce rôle d’ancien gendarme, paradoxalement Laurent Gbagbo a toujours milité contre cette relation quand il était dans l’opposition, que le président ivoirien a demandé à Paris d’intervenir.
Depuis le génocide rwandais en 1994, l’Etat français a appris à éviter d’envoyer ses troupes armées dans les conflits ivoiriens. Mais cette fois-ci, il est condamné à se mouiller d’une façon ou d’une autre. D’où la gymnastique sémantique et les revirements politiques. C’est peut-être la real politik qui impose cet équilibrisme. Dans un premier temps, Paris a refusé d’envoyer ses troupes et s’est contenté d’exprimer sa neutralité dans ce conflit ivoiro-ivoirien. Puis a décidé d’évacuer les ressortissants étrangers des villes occupées par les mutins. Continuant sur sa lancée, l’armée française a décidé d’apporter un soutien logistique aux forces loyalistes. Et, à partir de ce mardi, de couper la route aux insurgés pour qu’ils ne marchent pas vers Abidjan. L’engrenage de l’interventionnisme est enclenché. Où s’arrêtera-t-il ?
Il n’est pas facile pour Paris, qui ne croit pourtant pas à la thèse de l’agression extérieure contre la Côte d’Ivoire, de ne pas répondre aux demandes empressées, suppliantes serait plus adéquat, des chefs d’Etat de l’Afrique de l’Ouest de sauver la Côte d’Ivoire et la sous-région. Et c’est cet appel qui irrite le plus les indépendantistes d’hier.