2/2 – Deux livres document vont faire date : le premier Bokassa 1er, un empereur français, est la première véritable biographie du dictateur centrafricain, mort en 1996. Le second, Noir Silence, donne à voir et à comprendre une Afrique d’aujourd’hui dans ses improbables relations avec la France. Les deux ouvrages apportent un éclairage cru sur ce qu’est, encore aujourd’hui, le délétère système appelé Françafrique.
Bokassa, ce cher parent des présidents français
Il se voulait le » papa « de tous les Centrafricains mais le fils de Charles De Gaulle. Il vénérait son » cher parent « Valéry Giscard d’Estaing qu’il couvrait de plaquettes de diamants à chacun de ses passages à Bangui. Si Jean-Bedel Bokassa, officier de l’armée française, maréchal président à vie, premier empereur de Centrafrique, était considéré par tous, comme le » bouffon nègre « de l’Afrique, c’est aller vite en besogne sur une chose : cette » bouffonnerie tropicale « a été soutenue, financée, organisée pendant treize ans par la France, trop soucieuse de perpétuer un siècle de présence en Centrafrique.
De 1966 à 1979, treize ans de règne sanglant, de détournements financiers à peine maquillés, en somme une » dictature ordinaire « menée par un soudard mégalomaniaque et infantile. Pendant cette période, la France ne fera aucun commentaire sur le régime. Seules comptent la » santé financière de l’Etat, et celle, excellente à l’époque, des expatriés européens sur place « .
Figure du post-colonialisme
Faire toute la lumière sur la responsabilité française, ne pas réduire l’histoire à la personnalité fantasque et complexe d’un seul homme : voilà le grand mérite de ce document édifiant. Les deux auteurs, Stephen Smith et Géraldine Faes, ont enquêté dans les coulisses de la vie intime et politique de Bokassa : 93 protagonistes témoignent, chefs d’Etat français et africains, ambassadeurs, journalistes, l’épouse française de Bokassa, nombre de ses enfants, etc. Les auteurs ont interviewé Bokassa à sa sortie de prison en 1993 puis avant sa mort en 1996.
L’ouvrage rouvre notamment le dossier trop vite refermé des diamants qui a accompagné la chute de Valéry Giscard d’Estaing. La lecture de cette première grande biographie est salutaire à plus d’un titre. Car si Bokassa reste » indéfendable « , il n’est ni plus ni moins que » l’archétype de toute une génération de dirigeants dans les anciennes colonies françaises du continent « , » un satrape assez ordinaire de la Françafrique, ce continent fusionnel dont on parle tant depuis qu’il n’existe plus « .
Géraldine Faes a été rédactrice en chef Afrique noire de la revue Jeune Afrique et rédactrice en chef de L’Autre Afrique.
Stephen Smith est depuis 1988, responsable Afrique du quotidien Libération
Commander le livre : Bokassa Ier, un empereur français.- Par Stephen Smith et Géraldine Faes
Éditions Calmann-Levy