Les pétrodollars ont permis au clan du « Guide » d’édifier un empire financier opaque. La traque de cette fortune est rendue difficile par un ingénieux système. Explications.
A combien s’élève la fortune de Kadhafi ?
« Je défie quiconque de prouver que je n’ai qu’un seul dinar ! Je n’ai que ma tente » admoneste, la semaine dernière, Mouammar Kadhafi dans une interview accordée à l’hebdomadaire français le JDD. Pourtant, ce vœu de pauvreté ne semble pas faire l’unanimité dans le rang des initiés. D’après Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherches sur le monde arabe, cité par El Watan, la fortune du clan Kadhafi atteindrait les 120 milliards de dollars. Un chiffre confirmé par une estimation de diplomates américains dans un câble révélé par Wilkileaks. Le reste des experts se garde bien de faire monter les enchères, tant il est difficile de distinguer la fortune personnelle de Mouammar Kadhafi du fonds souverain Libyan Investment Authority.
D’où provient cette fortune ?
Ici encore, Wikileaks apporte des éléments de réponse. Des rapports de l’ambassade américaine de Tripoli confirment que la famille Kadhafi détiendrait « d’importants intérêts dans le pétrole, le gaz, les télécommunications, les infrastructures, les hôtels, les médias et la distribution ». Une répartition familiale, presque clanique, des secteurs d’activités où chaque enfant aurait son rôle. Muhammad, l’aîné, dirige l’autorité nationale des télécoms – Libya Telecom & Technology. Le second fils, Seïf Al-Islam, est lui installé dans l’industrie pétrolière via One-Nine Firm. , le 3ème fils, Sa’adi, gère l’immobilier, le tourisme et les infrastructures. Mouammar Kadhafi n’a pas oublié sa fille, Aisha, qui a des intérêts dans une clinique privée de Tripoli. Un monopole familial qui assure des revenus considérables à la famille Kadhafi. En tout cas suffisants pour une tente touareg tout confort !
Comment le clan Kadhafi protège-t-il ses avoirs des gels étrangers ?
L’opacité du montage financier entre fortune personnelle et fonds souverains est la première difficulté à laquelle sont confrontées les autorités étrangères dans ce bras de fer. Et même si l’argent était placé directement au nom de Mouammar Kadhafi, les transcriptions des noms arabes dans l’alphabet occidental – tels que Gaddafi ou Qadafi – permettent 115 000 combinaisons de comptes bancaires comme l’explique Le Figaro. Autre difficulté, celle des prête-noms et des intermédiaires illustré, dans The Times , par le témoignage d’un trader qui s’était vu proposer la gestion de 3 milliards de dollars appartenant à la famille Kadhafi, maquillés sous l’identité d’un intermédiaire suisse.
Est-il envisageable de mettre la main sur l’argent des Kadhafi ?
En raison de cette émiettement de la fortune, le gel des avoirs est irréalisable en une seule opération. De plus, l’ingénieuse répartition des comptes et des investissements souverains dans plus de 20 pays rendent inenvisageable toute décision collective. Le blocage des avoirs se fait au coup par coup.
Quelles mesures ont été prises par la communauté internationale ?
Après les sanctions votées fin février par l’ONU, Le Trésor américain a déjà immobilisé 32 milliards de dollars gérés par le fonds souverain, et 20 milliards supplémentaires devraient tomber sous le coup des nouvelles sanctions décidées mardi par l’UE. Le Luxembourg a déclaré mardi avoir gelé 1 milliard d’euros sur deux comptes du gouvernement libyen. La Suisse a ordonné jeudi le gel de tous les avoirs suisses appartenant au régime de Mouammar Kadhadfi, tout comme le Japon.
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