Le prix de la fondation Chirac pour la prévention des conflits a été décerné le 4 novembre dernier à une personnalité qui « investit une partie de sa vie et de ses ressources pour prévenir les conflits ». Le lauréat de cette deuxième édition est l’Italien Mario Giro de la communauté Sant’Egidio pour ses efforts de résolution de crises sur le continent africain en particulier.
Le prix de la fondation Chirac, selon les lauréats de 2009, accroîtrait la reconnaissance internationale de ces efforts et permettrait d’accéder plus facilement à des moyens financiers pour la poursuite de ce travail. En effet, les deux Nigérians, Muhammad Ashafa et le Pasteur James Wuye primés l’an dernier, pour avoir facilité le dialogue entre chrétiens et musulmans du Nigéria, racontent avoir reçu de nombreuses sollicitations d’intervention (Soudan, Irak…) et autres invitations à organiser des plateformes de paix suite à l’obtention de ce prix (New York, Glasgow…).
Le prix, avant tout symbolique, est incarné par une sculpture créée par l’artiste Sénégalais Ousmane Sow célèbre pour ses « Nouba », qui a voulu par cet « Enfant-feuille » signifier « qu’il n’y a pas que l’homme qui puisse protéger l’homme, la nature peut aussi y parvenir, simplement l’homme n’en n’a pas encore pris suffisamment conscience ». En effet la statuette représente un bébé protégé non seulement par une feuille d’arbre, mais aussi par les araignées qui ont tissé une toile autour de cette feuille, la transformant ainsi en une sorte de cocon.
Un lauréat Italien catholique de Sant Egidio
Quant au gagnant de cette année, il s’agit de Mario Giro de la communauté Sant’Egidio pour ses tentatives de résolution de la crise du Darfour, au Libéria, entre autres. La communauté Sant’Egidio a été créée en 1968 à Rome au lendemain du concile du Vatican II, à l’initiative de quelques lycéens. C’est une communauté catholique (située à l’Eglise de Sant Egidio), regroupant plus de 50 000 personnes, actives dans plus de 70 pays des cinq continents.
Mario Giro a en effet été en 1996, à l’origine de la signature du pacte d’engagement avec les rebelles (LURD) du Libéria permettant après 14 ans de guerre de préparer des élections libres. C’est aussi lui qui en 1994, organisa une réunion entre les leaders Algériens, qui avaient rompu le dialogue depuis le début e a crise en 1991 ; il est le coauteur d’un livre sur cette expérience « Algeria in ostaggio, (Impagliazzo, M., et M. Giro, 1997). Plus récemment, en 2003 il fut l’interlocuteur privilégié entre l’Elysée et les autorités Togolaises en vue d’une médiation pour résoudre la crise Ivoirienne ; il obtient un cessez le feu (Réunion en huit clos à Marcoussis). En 2006, il participe à plusieurs missions de résolution de conflits au Sud Soudan et en République Démocratique du Congo. Enfin tout récemment, en 2010, sollicité par Marou Amadou, au Niger, il lance « l’appel de Rome » qui aboutit à un « Accord pour un pacte républicain ».
Une cérémonie orchestrée par Jacques Chirac et Stéphane Martin
Le jury est composé d’éminentes personnalités telles que Rajendra Pachaury (Président du GIEC),Boutros Boutros Ghali (Ex secrétaire Général de l’ONU), Michel Camdessus (Ex Directeur du FMI), Joachim Alberto Chissano (Ex Président du Mozambique), Frederico Mayor (Ex directeur de l’UNESCO), Jorge Sampaio (Ex Président du Portugal), Ismail Serageldin (coprésident de « l’African biotecnology panel ») Simone Veil (Ex ministre de la santé et membre de l’Académie Française) et Vaira Vike-Freiberga (Ex Présidente de Lettonie). La cérémonie de remise de prix eut lieu au musée du quai Branly, cher à Jacques Chirac qui en fut l’instigateur, en fervent défenseur de l’Art Africain.
Jacques Chirac prononça un discours émouvant, en faveur de la paix et du dialogue et entente entre les peuples devant une audience essentiellement composée de personnalités politiques (Jean Pierre Raffarin, Bernadette Chirac, Christine Boutin, Françoise de Panafieu…) et d’ambassadeurs de nombreux pays. Il exprima le souhait que « Le G20 qui sera sous la présidence française, s’efforce d’apporter une réponse à cette demande de solidarité, qui est une urgence pour la paix et la sécurité ». Il s’en suivit alors la remise de prix aux lauréats Mario Giro ainsi que Lakhdar Brahimi (Ex: « représentant spécial » de l’ONU auprès de Boutros Boutros Ghali) qui se vit attribuer un prix d’honneur pour l’ensemble de ses interventions pacifistes au Liban, en Irak et Afghanistan, notamment.
Mario Giro s’est alors adressé à Lakhdar Brahimi, dans un esprit très gentleman, à propos de son célèbre rapport Brahimi (Sur la gestion des crises, publié en aout 2000 à l’occasion du millénaire des Nations Unies). «Votre rapport est un tournant important pour les Nations Unies mais aussi parce qu’il a essayé de tirer de nouveaux paradigmes et une nouvelle énergie entre institutionnels et non institutionnels. Je vous en remercie et vous félicite ». La photo finale de groupe exprimait bien cette volonté d’imprimer de nouveaux « Weltanschauung » d’un monde plus juste, moins coléreux, sans conflit et en paix avec lui même.