Depuis cinq ans, les cartels de la drogue d’Amérique latine utilisent de plus en plus l’Afrique comme plaque tournante de leur trafic de cocaïne vers l’Europe. Des répercussions ne sont pas exclues dans le Maghreb.
C’est une alerte qui confirme les craintes des Etats africains et occidentaux. Les organisations terroristes utilisent de plus en plus les revenus du trafic de drogue pour financer leurs opérations dans la région du Sahel africain, une situation qui va avoir des répercussions sur le Maghreb.
C’est ce qu’un haut responsable de l’ONU, Antonio Maria Costa, directeur du Bureau des Nations unies sur la drogue et le crime (ONUDC) basé à Vienne, a déclaré mardi dernier au Conseil de sécurité dans le cadre d’un débat sur le trafic de drogue en Afrique, organisé à l’initiative du Burkina Faso, qui préside le Conseil ce mois-ci.
La drogue transite par le Sahara
« Nous avons acquis des preuves que deux flux de drogues illicites – l’héroïne dans l’est de l’Afrique et la cocaïne dans l’ouest – se rejoignent désormais dans le Sahara, empruntant de nouveaux itinéraires à travers le Tchad, le Niger et le Mali », a affirmé Antonio Maria Costa.
« Des répercussions dans les pays voisins, au Maghreb par exemple, sont inévitables », a-t-il averti. « Les drogues n’enrichissent pas seulement le crime organisé », a poursuivi M. Costa. « Les terroristes et les forces anti-gouvernementales » dans le Sahel puisent des ressources du trafic de drogue pour financer leurs opérations, acheter des équipements et payer leurs troupes ».
Ce trafic, souligne-t-il, est également en train de prendre « une dimension nouvelle ».
Des caravanes aux Boeing-727
Alors qu’auparavant le transport de la drogue à travers le Sahara se faisait par caravanes, aujourd’hui le trafic est « de taille supérieure, plus rapide et plus perfectionné, comme l’attestent les débris d’un Boeing-727 trouvés le 2 novembre dans la région de Gao au Mali, une zone affectée par la rébellion et le terrorisme ».
« Il est terrifiant que cette nouvelle preuve du lien entre drogue, crime et terrorisme ait été découverte par hasard, » note M. Costa. Cet avion, parti du Venezuela, avait atterri sur une piste artisanale près de Gao où il avait déchargé de la cocaïne et d’autres produits illicites, avant de s’écraser au décollage le 5 novembre, selon l’ONUDC.
Depuis cinq ans, les cartels de la drogue d’Amérique latine utilisent de plus en plus l’Afrique comme plaque tournante de leur trafic de cocaïne vers l’Europe.
Des laboratoires de fabrication en Afrique de l’Ouest
Outre la Guinée-Bissau, que l’ONUDC qualifiait en 2008 de point clé d’entrée de cette cocaïne en Afrique, la récente découverte de sept laboratoires en Guinée (Conakry) « est une preuve supplémentaire que l’Afrique de l’ouest est aussi en train de devenir productrice de drogues synthétiques (amphétamines) et de cocaïne de synthèse », avance M. Costa.
« De l’autre côté du continent, entre 30 et 35 tonnes d’héroïne afghane entrent chaque année en Afrique de l’est », provoquant une hausse de la toxicomanie et contribuant à répandre le sida, dénonce-t-il.
Selon lui, l’un des facteurs facilitant ce phénomène est la « situation dramatique en Somalie ». De ce fait, « la région est en train de devenir une zone économique franche pour toutes sortes de trafics: drogue, migrants, armes, déchets toxiques et ressources naturelles ».
Le Conseil a adopté une déclaration non contraignante, dans laquelle il souligne que « dans certains cas, le lien de plus en plus étroit entre le trafic de drogue et le financement du terrorisme constitue une source de préoccupation croissante ».
Conclusion des autorités internationales : « Il importe d’intensifier la coopération transrégionale et internationale afin de lutter contre le problème de la drogue dans le monde et les activités criminelles connexes ».
Par Marcel Bekolo