La drépanocytose doit sortir de l’ombre et devenir une priorité de santé publique. Tels sont les objectifs des premiers états généraux mondiaux de cette maladie génétique du sang, qui se sont ouverts ce mardi à Brazzaville (Congo). Plusieurs premières dames africaines se sont fermement engagées dans la lutte, parce que leur continent reste le plus durement touché.
De notre envoyée spéciale Habibou Bangré
« Chaque année, il naît 300 000 enfants drépanocytaires en Afrique. 50% d’entre eux n’atteindront pas leur cinquième année. » Les mots d’Edwige Ebakisse-Badassou, présidente de l’Organisation internationale de lutte contre la drépanocytose (OILD), sont clairs, nets et explicites : la drépanocytose est un serial killer[[<*>Meurtrier en série]] qu’il faut empêcher de nuire. Des associations sensibilisent, alertent, orientent les malades. Mais il manquait parfois, pour parfaire leur travail, un vrai coup de pouce des Etats où sévit cette maladie génétique du sang. D’où l’organisation des premiers états généraux mondiaux de la drépanocytose, qui se sont ouverts ce mardi à Brazzaville (Congo). Jusqu’à vendredi, chercheurs, scientifiques, médecins, associations, mais aussi premières dames africaines, vont se pencher sur les moyens de tirer la drépanocytose de l’anonymat et de la faire entrer dans le cercle des priorités de santé publique.
Une dizaine de premières dames dans la lutte
Présentes à l’inauguration, plusieurs personnalités politiques congolaises, dont la première dame du pays hôte Antoinette Sassou N’Guesso. Elle se révèle très active dans la lutte contre la drépanocytose, de même que son homologue sénégalaise, Viviane Wade. Elles avaient d’ailleurs participé au lancement, en novembre dernier avec l’OILD, d’une campagne de sensibilisation en Europe. Ce mardi à la salle des congrès du palais du parlement, bondé de monde, les épouses respectives de Denis Sassou N’Guesso et Abdoulaye Wade ont réaffirmé que leur combat ne se traduira pas par des mots non suivis d’effet.
« Le nombre de malades justifie la recherche urgente d’un traitement radical et accessible à tous. De par sa morbidité, sa répartition géographique… la drépanocytose doit, selon moi, devenir une priorité de santé publique. (…) L’Etat du Sénégal s’est engagé pour la construction d’un centre de référence de dépistage néonatal », a expliqué Viviane Wade. Dans une allocution remarquée, Antoinette Sassou N’Guesso a pour sa part souligné que ces états généraux s’inscrivent « dans un processus de (sensibilisation, ndlr) entamé il y a sept mois. (…) Un congrès scientifique sur la drépanocytose sera organisé en 2006 ». Un centre de traitement ambulatoire devrait par ailleurs ouvrir ses portes au Congo dans les mois qui viennent, d’après le Dr Alphonse Gando. Les premières dames congolaise et sénégalaise seront épaulées par des consoeurs. Une petite dizaine d’autres femmes de Présidents participent aussi aux états généraux, prêtes à faire partie de la synergie qui doit résulter de ces quatre jours de conférences et débats.
La drépanocytose toujours maladie orpheline
La drépanocytose n’évoque en général pas grand-chose, à moins d’avoir un proche atteint, de l’être soi-même ou encore d’évoluer dans le milieu médical. Et pourtant elle concerne près de 50 millions de personnes dans le monde, toutes formes confondues, qui lui vaut dans certains pays la triste place de première maladie génétique. « Elle est présente sur les cinq continents. 137 pays sont concernés », indique avec aplomb Edwige Ebakisse-Badassou, l’une des initiatrices des états généraux. « En France, en 2004, nous avons repéré grâce au dépistage néonatal plus de 240 enfants drépanocytaires, dont 180 en région parisienne, ce qui fait de la drépanocytose la première maladie génétique, particulièrement en métropole », précise le Pr Robert Girot, en charge du centre de drépanocytose de l’Hôpital Tenon de Paris.
Un palmarès inquiétant, mais pas suffisamment pour que la drépanocytose quitte officiellement son ghetto de maladie orpheline. Un statut que le Dr Alphonse Gando, ministre congolais de la Santé et de la Population, explique par le fait que la drépanocytose a jusqu’à présent « peu attiré l’attention des décideurs », par opposition au sida ou au paludisme.
Convaincre les Nations Unies et l’Union africaine
C’est pour changer la donne, ou du moins pour que la drépanocytose soit considérée comme le HIV/sida ou le paludisme, que se sont réunis à Brazzaville des experts du monde entier. Les discussions doivent déboucher sur l’adoption de la Déclaration de Brazzaville, qui devrait, à terme, parvenir sur les bureaux des responsables onusiens. Les Nations Unies ne sont pas la seule cible. « Un projet de résolution pourrait être proposé dans le cadre de l’Union africaine », ajoute Edwige Ebakisse-Badassou. Le jeu en vaut la chandelle : si la drépanocytose change de « statut », les dirigeants pourraient bien être plus enclins à se battre pour améliorer le quotidien des malades et redonner l’espoir qu’un jour, comme dans les pays du Nord, cette maladie ne tuera plus la moitié des enfants à l’aube de leurs cinq ans.