La double vie de Sita/Hamidou


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Pendant 18 ans, Sita a été Hamidou. Devenue mère, Sita ne sait toujours pas comment devenir femme. Voyage dans les limbes du secret, au coeur de la campagne profonde du Burkina Faso.

Moudou Die est parti accompagner son frère, Hamidou, à la clinique. Il en est revenu avec une soeur, Sita, et un neveu. Telle est l’incroyable fable burkinaise que les lecteurs du  » Herald Tribune  » ont pu déguster dans les colonnes du prestigieux quotidien américain.

Les médecines traditionnelles ne parvenaient pas à enrayer les douleurs au ventre de ce jeune garçon. Alors, comme c’est souvent le cas, en dernier recours, son frère aîné l’a conduit consulter le centre hospitalier du village voisin. Diagnostic : travail pré-natal. L’enfant, Souleymane, est né le 6 février dernier. Et l’enquête quelque peu inquisitoire de la préfecture n’est pas parvenue à démêler les fils de cette étrange affaire. La jeune femme, imitée en cela par sa communauté, s’est réfugiée dans un silence gêné. Tout juste sait-on que l’homme qui a découvert sa vraie nature, et en a profité, a disparu…

Elevée comme un garçon, sous le prénom d’Hamidou, dans le village rural de 300 âmes, situé à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou, Sita a connu tous les rites d’initiation masculins. Mais aucun des secrets que se partagent les femmes. A 18 ans, cette jeune mère doit recommencer sa vie à zéro, avec, en main, peu d’éléments lui permettant de s’intégrer dans la communauté.

Deux sexes, deux visons de Sita/Hamidou

La mère de Sita-Hamidou déclare avoir pensé que son enfant était une fille dès la naissance. Opinion non partagée par les autres membres du cercle familial, au premier rang desquels, le papa. En fait, Sita est née avec deux organes génitaux dont l’un, plus développé que l’autre. Il est vraisemblable que le père, à choisir, a opté pour la fierté d’avoir un fils aux dépens du bonheur d’avoir une fille.

Pour Sita, le doute n’est plus permis, lorsque à 14 ans arrivent les premières règles. Mais pour des raisons mal éclaircies, et peut-être la crainte de son père, Hamidou garde le secret. Il participe aux cérémonies d’initiation marquant le passage de l’état de petit garçon à celui d’homme. Il part dans la forêt avec ses camarades, exécute les danses rituelles, masque vissé sur le visage. L’un d’eux a toutefois découvert la supercherie. S’ensuit une liaison. Hamidou cache sa grossesse, mais petit à petit Sita cherche à s’affirmer. Elle met des boucles à ses oreilles, refuse de conduire le chariot tiré par l’âne… Le travail des hommes.

Satisfaction de courte durée

A la naissance de Souleymane, Sita est satisfaite d’être enfin reconnue. Mais le soulagement est de courte durée : Sita ne sait pas attacher son nourrisson derrière le dos, à l’africaine. Sita est incapable de moudre le mil, ni de préparer les plats traditionnels. Deux mois après avoir vu le jour, Souleymane meurt dans des  » circonstances étranges « , selon l’expression de l’autorité préfectorale qui est retournée dans ce village de briques rouges. En vain encore. Officiellement, l’enfant souffrant de troubles gastriques a reçu une décoction d’herbes destinée à le purger. Le lendemain, il trépassait. De la petite localité transpirent des rumeurs de mort non naturelle ainsi que des avis autorisés, affirmant que ce décès est dans le cours des choses. Il n’est pas sûr que la communauté familiale, ou villageoise, ait réellement accepté cette maternité hermaphrodite… L’enquête n’a rien donné. Sinon un constat désabusé du préfet local :  » On ne nous a pas dit toute la vérité sur ce qu’il s’est passé dans ce village « .

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