Dans un monde de plus en plus globalisé, les gens émigrent pour de multiples raisons : pour faire des études, pour un emploi, pour de nouvelles expériences, voire pour échapper à une situation de guerre. Porteurs d’identités diverses et parfois concurrentes dans leur nouveau contexte, ces « doubles nationaux » reçoivent en partage des problèmes et des opportunités uniques dans leurs nouveaux pays.
Hanane El Hadi et Menna Taher – Common Ground News
Après la deuxième Guerre Mondiale, l’Europe s’est consciencieusement
attachée à développer la liberté religieuse individuelle, se rendant
ainsi désirable pour les immigrants musulmans du Moyen-Orient et
d’Afrique du Nord. Depuis quelques années, des tensions sont apparues
entre immigrants et indigènes. Des lois restrictives, telles la loi française sur l’interdiction du port de symboles religieux visibles, ont été adoptées. La France et le Royaume-Uni font partie des destinations préférées des immigrants arabes. Pourtant leurs politiques d’intégration sont très différentes, le modèle français reposant largement sur le principe de l’assimilation et le modèle britannique sur celui du multiculturalisme.
Quand on demande en France aux immigrants d’origine nord-africaine
quelle est leur place dans la société française, ils donnent souvent
cette réponse: « Même si nous avons la citoyenneté française, nous sommes toujours considérés comme des immigrants; la société française veut que nous renoncions à notre culture, qui définit notre identité, pour que nous correspondions au modèle français ». En dépit de ce sentiment,
certains musulmans d’Afrique du Nord en France, comme Rachida Dati, la
nouvelle ministre de la justice, ont trouvé le moyen de s’exprimer
pleinement dans la société française. Elle est d’une part un exemple et
assure d’autre part la liaison entre tous ceux qui se sentent poussés à
renoncer à leur culture par l’assimilation et le gouvernement français.
L’expérience du Royaume-Uni est quelque peu différente. On en voit un
exemple dans les réponses des Indiens d’origine vivant de l’autre côté
du Channel qui disent, lorsqu’on les interroge: « Nous sommes à la fois
britanniques et indiens ».
L’espace dans lequel les deux identités peuvent être assumées en même temps permet aux doubles nationaux de profiter des avantages des deux mondes et de donner le meilleur d’eux-mêmes à la société dans laquelle ils vivent.
Les doubles nationaux vivant dans le monde arabe perçoivent aussi leur
identité multiple et ont leur part de difficultés.
Ahmed Rashed, étudiant à l’Université américaine du Caire, a vécu toute
sa vie à Paris et à Amsterdam et ne s’est installé en Egypte que l’an
dernier. Il a eu quelque peine à comprendre certaines manifestations
physiques de la culture, comme par exemple les règles de politesse. « En
France, pour dire bonjour, il est normal qu’un garçon embrasse une fille
sur la joue et serre la main à un garçon. Au Caire, c’est exactement le
contraire » explique-t-il.
Malgré ces petites perturbations, les nouveaux venus évoquent aussi la
satisfaction que peut procurer une expérience de fusion culturelle.
Mariam Ghorbannejad, une irano-britannique de 25 ans, est de ceux là.
Elle vit actuellement en Egypte, pour apprendre l’arabe et travaille
comme rédactrice au Daily Star. Mariam Ghorbannejad s’est adaptée sans problème à la culture cairote. Ayant beaucoup voyagé et connu beaucoup de cultures différentes, son arrivée en Egypte n’a pas vraiment été un choc culturel « Les Anglais, relativement réservés, pourraient trouver les comportements égyptiens agressifs, mais ça ne me dérange pas » dit-elle. Elle semble s’accommoder parfaitement des différences entre le Caire et Londres: « Ici, il n’y a pas un moment de silence. Les camelots vendent leurs marchandises, les boulangers crient « pain » à tout instant dans la rue. On ne peut pas marcher trop longtemps dans la rue, à cause du pavé. Mais c’est plus facile qu’à Londres d’attrapper un taxi ».
Il est vrai que ceux qui ont promené leurs pénates dans le vaste monde
se trouvent tôt ou tard devant une crise d’identité, ne sachant trop où
les poser. Mais ces histoires révèlent aussi l’avantage insigne que
confère la double nationalité: la faculté d’être à l’aise, d’être chez
soi, dans des milieux où d’autres, qui n’ont jamais connu cette dualité,
auraient de la peine à s’intégrer. Les doubles nationaux ont aussi le
privilège de pouvoir partager leur perspective unique avec les autres.
Menna Taher est étudiante de premier cycle en journalisme à
l’Université américaine du Caire. Hanane El Hadi termine un master en
Etudes internationales et diplomatie de l’Université Al Akhawayn
d’Ifrane, au Maroc. Elles ont cosigné cet article dans le cadre du
programme Soliya Connect pour un dialogue culturel entre monde islamique et monde occidental.
Common Ground (CGNews)