Jules Shungu Wembadio, alias Papa Wemba, Papa na bisso, légende de la musique congolaise, fait son come back après neuf ans d’éclipse. Notre père, son nouvel album solo, vient de paraître. Un régal.
« La rumba congolaise ne prendra jamais une ride. J’aime jouer la rumba, et tous ceux qui en font savent qu’ils ne s’en lasseront jamais », confie Papa Wemba, dans le restaurant parisien où il présente son nouvel album, Notre père. Pour son grand retour dans les bacs, après neuf ans d’absence, le chanteur a choisi de revenir à la source de son inspiration. Cette rumba qu’en quarante ans de carrière il a tant interprétée, interrogée et, au final, largement renouvelée. Aussi, sur les douze titres qui composent le disque, certains, tels que Six millions Ya ba soucis, Ziguida et Thermomètre, sont d’inspiration plutôt classique, tandis que les autres s’inscrivent dans des styles aussi variés que le soukouss, le ndombolo, le coupé-décalé, le r’n’b et la salsa. La curiosité et l’éclectisme demeurent des qualités de l’artiste qui, avec sa voix exceptionnelle, expliquent sans doute sa longévité.
Son goût pour les expériences inédites génère bien des surprises, comme cette apparition de la chanteuse française Ophélie Winter sur le titre Ye te oh. Une idée de duo que lui a soufflée sa production et qu’il a acceptée avec gourmandise. Interrogé sur cette singulière collaboration, il répond non sans malice que la jeune femme « a eu plus de difficultés à chanter en français qu’en lingala ! ». La version de Notre père parue ce mois-ci, destinée en priorité au marché congolais, devrait être suivie à la fin de l’année par une autre réalisée pour le public international. L’on imagine alors à quelles audaces le musicien pourrait s’y livrer. Au Congo, ses créations « world » n’ont pas toujours fait l’unanimité. Mais il ne renie en rien ces œuvres. « J’ai fait de la world music. Certains n’aiment pas, mais moi j’aime beaucoup, c’est très ouvert », explique-t-il.
Tourner la page
Ses albums world lui ont valu la reconnaissance internationale. Mais, revers de la médaille, ce succès a aussi été une terrible caisse de résonance pour ses démêlées judiciaires, au début des années 2000. Longuement brocardé par la presse européenne, il souhaite désormais qu’elle parle de nouveau de son art. « J’ai eu des difficultés, sincèrement. Je n’aimerais pas revenir là-dessus », lâche-t-il quand on le questionne sur ce douloureux épisode. Echaudé par cette mésaventure, il a chargé l’avocat français Manuel Aeschlimann de traquer les propos diffamatoires qui paraîtraient à son sujet dans les médias.
Place donc à la musique, et à l’amour, thème principal de son nouvel album, dont il parle « avec des mots simples », en lingala, en français et en tetela, la langue de son ethnie d’origine – qui était aussi celle de Patrice Lumumba, le père de l’indépendance congolaise. Ainsi, dans la chanson Kema fumbe, il chante à la gloire de Ngongo Lutete, chef coutumier de cette tribu dans la seconde moitié du XIXe siècle. « Capturé et emmené à Zanzibar par les Arabes, il a réussi à retourner chez nous, au Kasaï, et depuis cette époque on dit qu’ »un enfant tetela n’est pas un esclave. » », explique-t-il avec fierté.
A 60 ans et la voix intacte, Papa Wemba signe avec Notre père un retour réussi. Il prouve, à qui en aurait douté, qu’il demeure l’un des artistes majeurs du continent africain. Lucide sur son parcours, il est plein d’espoir, sûr que l’année 2011 sera celle qui le verra « redécoller ». « Ma carrière est en dents de scie, avec des hauts et des bas, mais j’ai promis à ma mère de continuer, et mes enfants comme ma femme savent que je ne prendrai jamais de retraite », déclare-t-il. Et à écouter la qualité de son chant et de ses compositions, c’est bien tout le mal que l’on peut lui souhaiter.
Commander : Papa Wemba, Notre père, Rumba, Sina Performance, Cantos, 2010
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