La difficile guerre marocaine contre le terrorisme


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Malgré son engagement dans la prétendue guerre contre le terrorisme, ou peut-être à cause de cet engagement, le Maroc est un pays qui offre tous les ingrédients d’un laboratoire à ciel ouvert de lutte contre l’extrémisme. Outre sa position hautement stratégique qui assure le lien entre deux continents, il s’agit d’un pays arabe et musulman doté d’une économie libérale qui tente péniblement l’ouverture démocratique.

Par Mustapha Tossa*

Au plan international, le Maroc souffre d’une réputation de “pays producteur de terroristes” depuis l’implication d’immigrants originaires du Maroc dans les attentats terroristes de Madrid. Le pays lui-même a subi de plein fouet une vague meurtrière d’attentats terroristes, à Marrakech en avril 2007 et à Casablanca en mai 2003.

Le dernier film de Pete Travis intitulé Vantage point sorti sur les écrans au début de l’année, raconte l’histoire d’une tentative d’assassinat du président américain ourdie et exécutée en Espagne par un réseau de terroristes marocains. Dans la même veine, le New York Times a récemment dépêché un de ses reporters dans la banlieue de la ville de Tétouan, au nord du Maroc, pour enquêter sur les filières qui encouragent de nombreux jeunes Marocains à s’enrôler sous la bannière d’Al Qaida pour aller se faire exploser en Irak. Le titre de l’enquête était sans équivoque: “Where Boys Grow Up to Be Jihadis”.

Prenant la situation au sérieux, les autorités marocaines n’ont pas ménagé leurs efforts pour démanteler de nombreuses cellules d’islamistes armés susceptibles de renforcer l’influence d’Al Qaida au Maghreb, et pour éliminer les causes profondes de l’extrémisme afin d’étouffer dans l’œuf la création de nouvelles cellules.

Même s’il a suscité un débat houleux, leur dernier exploit a été l’arrestation et le démantèlement du réseau d’Abdelkader Belliraj, soupçonné d’être lié à Al Qaida. Ce terroriste maroco-belge qui s’est révélé par la suite être un agent appointé par les services de sécurité Belges, est soupçonné d’assassinats multiples, ainsi que de contrebande et blanchissage d’argent.

La stratégie anti-terroriste du Maroc

La stratégie du Maroc pour lutter contre l’Islamisme violent semble se décliner sur plusieurs niveaux. D’abord une permanente et gigantesque opération policière dans laquelle les citoyens sont appelés à jouer un rôle de vigilance accrue. Le tout-sécuritaire investit tous les milieux et mobilise toutes les énergies. Ce recours au contrôle social permet aux informations les plus sensibles de remonter rapidement vers les centres de décisions.

Le Maroc a depuis longtemps autorisé les islamistes modérés qui rejettent la violence à avoir une existence et une expression publiques et à participer aux élections. Mais dès qu’un soupçon pèse sur un groupe politique de vouloir justifier le recours à la violence, les autorités frappent sans pitié. Toute personne qui applaudit au recours à la violence est immédiatement arrêtée et traduite en justice.

Les exemples les plus célèbres sont à trouver du côté du groupe “Justice et Bienfaisance” mené par Cheikh Abdesslam Yassine et du groupe “Jeunesse Islamique” qu’animait Abdelkrim Motie. Ces groupes ont été empêchés de participer au processus politique. Autre exemple: la mésaventure que vient de vivre le parti islamiste “Al Badil Al Haddari” (Alternative de civilisation), dissout par le premier ministre Abbas El Fassi et le ministre de l’intérieur Chakib Ben Moussa, tous deux le soupçonnant de servir de couverture à la préparation d’actions terroristes.

A l’inverse, certains groupes politiques islamiques ont été récompensés pour leur attitude modérée. Par exemple, après l’élection en juillet dernier d’un nouveau chef, Abdelilah Benkirane – qui soutient une voie modérée, des relations pacifiées avec le gouvernement et la participation des femmes – le parti Justice et Développement a réussi son intégration politiques dans le gouvernement.

S’attaquer aux raisons profondes du mal

Ces mesures n’exonèrent nullement le gouvernement marocain de mener une politique agressive de développement social destiné à assécher les terroirs qui alimentent les filières d’Al Qaida, les énormes bidonvilles qui jouxtent les grandes agglomérations industrielles comme Casablanca et d’où sont originaires la plupart des terroristes de souche marocaine. Ces bidonvilles servent d’usine à ciel ouvert pour tous les dangereux recruteurs et les laveurs de cerveaux professionnels qui exploitent les craintes de ceux qui désespèrent de pouvoir changer leur condition.

Cela ne l’exonère pas non plus d’investir sérieusement, avec un voisin algérien réticent, dans une politique de lutte contre l’immigration clandestine entre les deux pays. La drogue, les armes et une main d’œuvre potentiellement manipulable empruntent ces filières qui constituent, de l’aveu de beaucoup, les plus grandes menaces pour la sécurité de la région. Une plus grande coopération entre les deux nations sur le plan de la sécurité pourrait faire beaucoup pour contrôler et diminuer ce genre d’activités illégales.

L’expérience marocaine est intéressante à observer dans la mesure où elle tente une précieuse synthèse entre une détermination sécuritaire sans complexe, quitte souvent à faire hurler les associations de défense de droits de l’homme, et une absorption par le champ politique de la contestation islamiste. Le tout accompagné par une politique volontaire de lutte contre la pauvreté et les différentes formes d’exclusion qu’incarne quotidiennement la démarche du Roi Mohamed VI. Même si elle ne semble pas procurer des résultats immédiats, la recette marocaine fluidifie les rapports politiques et sociaux au sein de la société marocaine.

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* Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain établi à Paris. Article écrit pour le Service de Presse de Common Ground (CGNews), accessible sur www.commongroundnews.org

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