Il y a dix ans, sous la pression des institutions financières internationales, 14 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre ainsi que les Comores, dévaluaient le CFA de 50%. Une mesure qui va relancer la compétitivité des pays tout en affectant très fortement le pouvoir d’achat de leurs populations.
Le 11 janvier 1994, les quatorze pays de la zone franc dévaluent le CFA de 50% et les Comores du tiers. Historique. Cette mesure, qui touche donc huit pays d’Afrique de l’Ouest et six pays d’Afrique centrale rattachés depuis 1948 au franc français par une parité fixe, sera à double tranchant. Elle relance la compétitivité des pays tout en affectant très fortement le pouvoir d’achat de leurs populations.
La dévaluation, décidée sous la pression du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale et annoncée par la France, espère sortir les pays de la zone monétaire d’une situation économique catastrophique. Le contexte est en effet difficile : taux de croissance et niveau de vie faibles, fuite massive des capitaux (les opérateurs économiques nationaux déposent leurs fonds en CFA dans les banques françaises au détriment des banques nationales), stagnation des exportations. Le 2 août 1993, Paris a suspendu le change de billets de francs CFA. Un mois plus tard, les transferts bancaires ont été soumis à un contrôle préalable… Les pays africains se résignent. La dévaluation qu’ils se refusent à effectuer depuis 1988 est inévitable.
Relancer la compétitivité
Objectifs de la dévaluation : relancer la compétitivité des produits africains sur le marché international, réduire les déficits budgétaires, et permettre à la croissance de reprendre. Mais les premiers effets qui se font sentir touchent directement les populations. Du jour au lendemain, les prix à la consommation passent du simple au double. Sur le terrain, une conjonction de facteurs annihile la plupart des retombées positives attendues de la dévaluation.
L’essentiel des exportations des pays est constitué de produits agricoles qui voient leurs cours baisser régulièrement et dont les prix d’achat ne sont plus garantis. Malgré la dévaluation, la diminution des recettes à l’exportation va donc entraîner un déficit budgétaire accru et augmenter la dette… La plupart des pays connaissent également une instabilité politique chronique, certains font face à des coups d’Etat ou des guerres civiles (comme au Congo-Brazzaville). Tout ceci affecte les retombées au même titre que la concurrence extérieure, notamment celle des pays asiatiques qui se manifeste dans les produits de rente, ainsi que celle du Ghana et du Nigeria voisins qui ont mis en place des politiques de baisse du taux de change.
Certains objectifs atteints
Certains objectifs visés ont néanmoins été atteints : remontée des taux de croissance, meilleure intégration des économies locales – avec une nouvelle dynamique du « consommer local » -, dynamisation du secteur industriel, mise en place d’une épargne nationale. Malgré cela, 45% des habitants de la zone franc vivent aujourd’hui avec moins de 1 dollar par jour et en matière de croissance économique, tous les objectifs n’ont pas été atteints. Les trois meilleurs élèves (Mali, Sénégal, Bénin) atteignent à peine la barre des 5% de croissance du produits intérieur brut (PIB) sur la période 1995-2002.
Aujourd’hui, avec la crise ivoirienne et la flambée du cours de l’Euro (auquel est à présent arrimé le CFA), d’autres problèmes se profilent à l’horizon pour la monnaie sous-régionale africaine. La hausse de l’Euro risque en effet de contrarier les exportations des produits de base (coton, pétrole, café ou cacao) qui sont la principale ressource de la zone. Cependant, une deuxième dévaluation ne semble pas à l’ordre du jour.