La danse orientale expliquée par Mayodi


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La couverture du magazine.

Mayodi, danseur, chorégraphe, et fondateur du Ballet El Noujoum (Les Etoiles) jouit d’une renommée internationale. Dernièrement sur scène à Paris, avec son spectacle «Moucharabieh:Intimité Orientale», à l’Espace Pierre Cardin, la salle affichait complet. Kissina l’a rencontré au Centre des Arts Vivants à Paris, où il enseigne avec exigence cet art à des élèves aux origines diverses.

Article extrait du numéro 2 du magazine Kissina, sorti en kiosque en France le 29 décembre dernier.

Kissina : Comment l’Homme, derrière Mayodi s’est-il découvert cette passion ?

Mayodi :
Je suis né avec la danse, et étant d’origine orientale, j’ai été élevé dans un milieu exclusivement féminin. La danse orientale, j’y suis venu par le biais de mes études. En étudiant l’histoire de la Nahda, (la Renaissance Arabe) j’ai été amené à visionner des documentaires, mais aussi des comédies musicales égyptiennes des années 40-50. C’est là que je suis tombé amoureux de la danse orientale. J’ai commencé à vraiment m’y intéresser à 18 ans, j’ai suivi des cours à l’étranger, aux USA, en Egypte, Canada, et j’ai eu la chance de rencontrer des grandes danseuses qui étaient en fin de carrière, ici en France, et qui m’ont prise sous leur aile. Puis à 22 ans, je me suis lancé. Ca va faire maintenant à peu près 20 ans que je danse.

Kissina : Ce n’est pas trop difficile d’être un homme dans cette discipline ?

Mayodi :
Au début, bien sûr que si ! L’image de la Femme est très forte, et pour ne pas être considérer comme une caricature, j’ai décidé d’être un très bon danseur moi-même.

Kissina : Comment expliquez-vous votre tour de force à implanter la Danse Orientale à Paris et d’y faire grandir votre carrière ?

Mayodi :
Etre un homme a été un inconvénient au début, mais maintenant, ça se retourne en un avantage. J’ai un rapport très agréable avec mes élèves, de plus, j’ai une méthode d’enseignement qu’elles apprécient, une vraie méthode pédagogique. Il y a un relationnel, un détachement envers la notoriété. Je ne mets pas en avant Mayodi, mais l’être humain.

K : Pourquoi les metteurs en scène et compositeurs arabes contemporains ne profitent pas du retour en puissance de la comédie musicale pour remettre en scène la danse orientale, comme c’était le cas dans les années 40-50 ?

Mayodi :
Dans les années 40-50, il y avait une identification avec l’occident. La société arabe se réveillait d’un très long sommeil, avec en face d’elle, la pointe de la modernité. Elle a copié les comédies musicales américaines, les Etats-Unis ont eu Fred Astaire et Ginger Rogers, nous nous avons eu Farid El Atrache et Samia Gamal. Mais la culture arabe est suffisamment riche pour avoir sa propre identité. Aujourd’hui, le problème ? Prenez par exemple Youssef Chahine, dans son dernier film musical, « Silence…On Tourne » (2001), la seule danseuse que l’on aperçoit, c’est la caricature de la danseuse ! La grosse dondon qui ne sait pas danser, vulgaire! Voilà l’image que lui-même a donné de la danse. Le thème est-il encore sensible ? Les gens sont-ils encore frileux ? Je ne sais pas. C’est vrai, à quand, une future grande comédie musicale digne de ce nom, avec une belle histoire et de beaux spectacles ?

Kissina : Raquia Hassan (Chorégraphe égyptienne) a déclaré que c’est le regard que porte la société arabe sur cette danse et la danseuse, qui est la menace directe de la Danse Orientale.

Mayodi :
Tout à fait. Hélas, l’univers de la danse orientale a été cantonné au milieu de la nuit, aux cabarets, et pendant très longtemps danseuse orientale était synonyme de prostitué, femme de mauvaise vie. Il faut éduquer le regard. Vous savez, il y a un verset du Coran qui dit que Dieu aime le Beau. Donc, si on apprenait aux gens à ne pas simplement voir dans un corps, un objet de convoitise ou d’aversion, les mentalités changeraient.

Kissina : Aujourd’hui des danseuses d’origines diverses se produisent sur scène. Mais certaines prestations ressemblent à des numéros d’athlètes. La profondeur d’âme ,le ressentie semblent être laissés pour compte ?

Mayodi :
L’âme de la danse orientale ne s’est pas bâtie du jour au lendemain ! Chaque fois que j’ai assister à des spectacles à l’étranger, j’ai vu d’excellentes techniciennes, mais comment, peuvent-elle interpréter, une musique, comme une chanson, d’Oum Kalthoum, par exemple, s’il n’y a pas le ressentie des paroles ? Il y a donc une barrière. Il y a des siècles d’histoire derrière tout ça. Aujourd’hui, toutes les femmes se retrouvent dans la danse orientale car, c’est une danse à la gloire de la Femme.

Kissina : De quelle manière pensez vous contribuer à un renouveau et/ou à la longévité de la danse orientale ?

Mayodi :
c’est dangereux de renouveler quelque chose, on peut dénaturer et perdre l’essentiel. J’œuvre à la transmission d’un art qui est ancestral et à donner ce que j’ai appris. Je suis un maillon dans une longue chaîne, avec mes émotions, mon vécu. Cette danse a su évoluer avec l’apport d’autres danses comme mouvements empruntés au classique, au flamenco, aux percussions africaines. J’aime enrichir mon vocabulaire mais j’essaie de conserver le plus possible mon identité arabe.

Kissina : Avec quel artiste aimeriez vous travailler?

Mayodi :
Moi j’ai un grand rêve, c’est de travailler avec Madonna ! C’est une véritable artiste, une femme avec du caractère, qui est partie de rien. J’ai toujours été fasciné par la façon dont elle se servait des autres cultures pour elle-même.

Kissina : Pour finir, qu’éveillent en vous ces quelques vers de Khalil Gibran (Ecrivain Libanais), « L’âme du philosophe veille dans sa tête/ l’âme du poète vole dans son cœur/ l’âme du chanteur vibre dans sa gorge/ mais l’âme du danseur vit dans son corps tout entier » ?

Mayodi :
(Touché) Oui. C’est un magnifique poème. Je le connais Khalil Gibran y a résumé en fait ce que doit être le danseur ou la danseuse. Mais, c’est vrai que l’âme du danseur vibre dans son corps, mais pour pouvoir vibrer, il a besoin du chanteur, du conteur, du musicien. Voyez, c’est un tout.

Propos recueillis pour Kissina par Kaouther Ben Amor.

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