Imane Ayissi a présenté le 7 novembre dernier sa dernière collection haute couture « La danse des tissus ». Un événement qui a couronné les 10 ans de carrière du créateur camerounais. C’est avec modestie qu’il revient, pour Afrik.com, sur son parcours. Sans renier ses racines, il refuse l’étiquette restrictive de styliste africain et estime faire tout simplement de la haute couture.
« La danse des tissus », la dixième collection d’Imane Ayissi, était présentée le 7 novembre 2004, à l’Hôtel Le Bristol, sis au 112, rue du Faubourg Saint-Honoré (Paris 8ème). L’occasion, pour l’artiste multi-talents d’origine camerounaise, d’un bilan sur son travail de création, mais également d’une projection sur la suite de sa carrière de styliste. En 2002, la collection Glamour for ever permettait au total noir de s’exposer dans toute sa splendeur, alors que 2003 se parait d’un blanc immaculé. La collection Fashion Paradise d’Imane, estampillée 2004, a marqué un retour à des teintes plus vives pour celui qui a été choisi cette année par la Princesse Catherine Colonna de Stigliano pour assurer la direction artistique du prestigieux « Bal de l’Eté de Monaco ».
Afrik.com : Quel bilan faites-vous de votre carrière de créateur ?
Imane Ayissi : Cela fait exactement 15 ans que j’ai débuté. Il s’est passé beaucoup de choses. Si l’on veut parler couture, je dirai que cela a pas mal bougé de mon côté. Le 7 Novembre 2004, je présentais ma dixième collection à l’Hôtel Le Bristol et ce fut l’occasion pour moi de voir quelles ont été les évolutions de ma création. Je pense avoir réussi à imposer mon style, ce qui est en général assez difficile. Aujourd’hui, grâce au travail, je pense avoir franchi un pallier. Cela dit, « La danse des tissus » n’a pas été une simple rétrospective, dans la mesure où tous les vêtements étaient originaux. Seuls certaines coupes étaient revisitées, mais en général cela participe de la volonté d’imposer une marque de fabrique. On va de l’avant, car chaque collection correspond à un thème.
Afrik.com : Vous êtes à la fois danseur, mannequin et styliste. Comment réussissez-vous à gérer votre temps et à trouver l’inspiration ?
Imane Ayissi : Tout est affaire d’organisation. Je crée mes vêtements tout seul. Je me charge des dessins, des tissus, des matières, des coupes, de la ligne de conduite… L’Afrique est une source d’inspiration intarissable. C’est cette Afrique rurale qui me fascine le plus, car elle est pleine de mystères, de couleurs uniques. Il faut dire aussi que la vie de tous les jours se répercute sur mes créations. En ce qui concerne ma façon de travailler, j’essaie de trouver le temps pour me concentrer. J’ai toujours une valise avec moi, et dès que j’ai un moment, j’essaie de faire avancer mes collections, mes croquis… Parfois, je le fais avant d’aller danser (rires).
Afrik : Peut-on vous qualifier de styliste africain ?
Imane Ayissi : Je préfère être vu comme un styliste, tout simplement. La mode est internationale. Je n’ai pas envie d’être enfermé dans un ghetto, car souvent les gens s’empressent de vous coller des étiquettes. Je pense que la création, c’est également la surprise. Être là où l’on ne vous attend pas. Et malheureusement, dire que je suis purement un styliste africain pousserait certaines personnes à ne m’attendre que sur ce terrain. Cela dit, l’Afrique tient une place importante dans mon esthétique, et cela il m’est impossible de le renier. De plus, il est des stylistes d’origines africaines que j’apprécie. On fait de la haute couture.
Afrik : Justement. En général les prix sont assez élevés…
Imane Ayissi : Cela dépend. Les prix sont parfois abordables. Tout dépend du budget et de l’envie. Le problème vient également du fait que beaucoup d’Africains ne soutiennent pas le travail, qui souvent cache un investissement. Quand vous allez chez Dior ou Cardin, vous ne discutez pas les prix. Si un produit vous plaît et qu’il vous manque 1€, vous allez le chercher. Or, je peux compter sur le doigt de ma main le nombre de mes clients d’origine africaine, et c’est dommage.
Afrik : Pourquoi avoir choisi le top model Katoucha comme marraine de « La Danse des tissus » ?
Imane Ayissi : C’est avant tout un hommage à la femme. Katoucha fait partie de ces femmes qui m’ont marqué (comme Mounia, Rebecca Ayako, Debrah Shaw, Margaret Lahoussay-Duvigny…) et j’ai tenu à les remercier à travers elle. Mais Katoucha est surtout une amie et quelqu’un que je respecte énormément.
Afrik : Comment vivez-vous le fait d’être l’un des rares mannequins noirs visibles sur les affiches publicitaires et dans les défilés ?
Imane Ayissi : Je me contente de faire mon travail. Je suis plus ou moins conscient de la sous-médiatisation, mais je ne pense pas vouloir m’ériger en porte-parole. Du moins, cela dépend des causes et des enjeux. J’évite de m’engager trop hâtivement, même si les causes ne manquent pas.
Afrik : Et la danse dans tout cela ?
Imane Ayissi : La danse, c’est une passion. Je la pratique depuis tout petit. En septembre 2004, j’ai été premier danseur dans Noé, opéra de Georges Bizet, au Théâtre Impérial de Compiègne, sous la direction de Pierre Jourdan.
Afrik : Quels conseils pouvez-vous adresser aux jeunes qui suivent vos traces ?
Imane Ayissi : Il faut s’accrocher et ne pas laisser tomber. Il faut croire en ses chances et vivre sa passion. Il faut également rencontrer les bonnes personnes, frapper aux bonnes portes et ne pas éparpiller son talent. Je pense aussi qu’il faut que la famille et les proches soutiennent plus les jeunes qui souhaitent suivre des carrières artistiques. Malheureusement, les métiers de la création n’ont pas la cote en Afrique. Ils pâtissent encore d’une mauvaise réputation. Les parents veulent tous voir leurs enfants devenir docteurs, politiciens, ingénieurs… mais il n’y a pas que cela. Je pense aussi qu’il faut plus de solidarité entre les Africains de la diaspora. Au lieu de cela, beaucoup préfèrent critiquer, ou même empêcher les autres d’avancer ; c’est dommage !
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