La création, en juillet 2003, de la société mixte algéro-française Somecoton spécialisée dans la culture du coton en Algérie a été considérée par les agriculteurs comme un pas important dans la reprise de cette activité abandonnée au lendemain de l’indépendance. Pour autant, ils regrettent de n’avoir pas été impliqués dans les négociations.
Le coton, à nouveau cultivé en Algérie ? Après la création en juillet dernier de la société mixte algéro-française Somecoton, tous les espoirs sont permis. Les agriculteurs des régions d’Annaba, d’El Tarf, de Skikda et de Guelma, dont les terres avaient une vocation cotonnière durant la période coloniale, y croient. L’enveloppe financière dégagée par le gouvernement algérien pour la satisfaction du marché national en fibre de coton est un enjeu de taille car elle se chiffre à plusieurs dizaines de millions de dollars par an.
C’est ce qu’ont ciblé le groupe français Dagris (Développements des agro-industries du Sud) et la société algérienne Texmaco (Textile Manufacturing Company). Les deux partenaires ont fixé à Somecoton, qui doit démarrer ses activités en 2004, l’objectif d’atteindre une production de 30 000 tonnes de graines de coton à l’horizon 2015. Certaines sociétés algériennes du textile ont été sollicitées pour apporter leur participation financière au capital social telles Alcovel (Béjaïa), Cotosud (Laghouat), Denitex (Tlemcen), Filba (Batna) et Tindal (M’sila).
Irritation des agriculteurs
D’autres sociétés, notamment publiques, Elatex Souk Ahras, Enaditex Sedrata et Tébessa, proches des grandes plaines cotonnières, n’auraient pas été sollicitées. Une situation à l’origine de l’irritation des agriculteurs et industriels des régions de l’extrême-est du pays. « On ne nous a même pas consultés sur la question, alors que nous sommes les principaux concernés par la relance de la culture du coton (…) L’agriculteur a toujours été marginalisé dans la prise de décision, même si elle le concerne directement », a indiqué Chebbah Messaoud, le président de la Chambre d’agriculture de la wilaya de Annaba (Cawa).
Quand ? Comment ? Par quel moyen ? Qui gérera l’usine d’égrenage d’Annaba actuellement en bon état de marche malgré plusieurs décennies d’inactivité, se sont interrogés les agriculteurs. « Pour la réussite de cette société mixte, les initiateurs auraient dû se rapprocher des agriculteurs, sans la participation desquels tout projet est voué à l’échec. Ce ne sont pas eux qui nous imposeront de transformer nos cultures », ont clamé de nombreux agriculteurs adhérents de la Cawa, échaudés par des expériences malheureuses les cultures de la tomate industrielle, du tabac, de la pomme de terre et des céréales.
Production contre importation
Le projet de la Somecoton est destiné à répondre aux besoins de l’industrie textile algérienne, estimés à 30 000 tonnes de graines de coton et à 42 000 tonnes de fibres par an. Depuis les années 1970, ces besoins sont totalement couverts par les importations.
« Cette importation et la hausse vertigineuse du prix du coton sont la cause de la fermeture de nos usines de textile. C’est pourquoi nous saluons cette initiative qui pourrait réussir avec l’association des agriculteurs. La reprise de la culture cotonnière dans notre pays nécessite en aval des investissements sous forme de PME/PMI pour la mise en place d’unités d’égrenage, de recyclage de grains de coton pour les huileries, d’un réseau de collecte et de transport du produit. De même qu’elle nécessite la mise en place d’une institution chargée de la recherche cotonnière et de l’égrenage », explique le président de la Cawa (…)
La conclusion de M. Chebbah : « Nous sommes à même de transformer jusqu’à 20 000 ha avec un rendement de 10 q /ha, avec la création de 30 emplois/ha. Cette superficie représente 50 % des 40 000 ha nécessaires à la production dont a besoin le marché national. Nous pouvons même reprendre l’exportation. La qualité de la fibre et de la graine de coton algériennes est très appréciée sur le marché international. Seulement, pour pouvoir réussir cette reprise, les agriculteurs doivent s’organiser sous forme de groupements. Cela ne peut être également possible sans une décision politique tranchée concernant le dossier du foncier agricole. La culture du coton nécessite une mécanisation sophistiquée ne pouvant être supportée par les agriculteurs. L’Etat doit intervenir en accordant des aides dans le cadre du Fonds national du développement agricole et la réduction des charges à l’hectare (taxes douanières et TVA) ».
Par N. Benouaret pour notre partenaire El Watan