La crise financière pourrait réduire l’aide publique de 30 pour cent


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La crise financière devrait avoir de lourdes conséquences sur les financements humanitaires : certains analystes prévoient même une réduction de pas moins d’un tiers, voire plus, de l’aide publique au développement (APD, ou ODA en anglais).

« Nous sommes extrêmement préoccupés par les perspectives auxquelles nous nous trouvons confrontés en termes d’[APD] », a déclaré à IRIN Brett House, économiste principal au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). « Il est arrivé à quelques occasions, au cours de périodes de récession et de bouleversement sur les marchés, que l’[APD] mondiale chute de pas moins de 40 pour cent par rapport aux tendances établies ».

L’aide publique des gouvernements est la principale source de financement d’une majorité des agences onusiennes, bien que cela ne soit pas le cas des organisations non-gouvernementales (ONG). L’APD représentait par exemple plus de 70 pour cent du budget 2007 du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (trois milliards de dollars).

La même année, le budget de 116,3 millions d’euros (150 millions de dollars) de Concern Worldwide avait été financé à 48 pour cent par les gouvernements et les cofinanceurs, et à 48 pour cent par des dons généraux et par le secteur privé ; la proportion restante avait été versée en nature.

Les experts humanitaires se fondent sur les schémas des récessions et des ralentissements économiques précédents, et leurs projections varient en fonction des organismes et de leurs sources de financement.

En ce qui concerne l’APD, tout le monde ne prévoit pas de chute spectaculaire. Les financements accordés par les Etats-Unis ont notamment augmenté à la fois en 2001 et en 2002, malgré la récession de 2001, qui avait duré huit mois, provoquée par l’éclatement de la bulle Internet.

« Nous n’avons jamais observé de répercussions [de cette récession] sur les budgets [APD] », s’est souvenu Antonie de Jong, conseiller en développement des programmes de proximité et des programmes commerciaux au Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM). Mais « bien sûr, nous sommes inquiets », a-t-il ajouté.

« Depuis 1970, après chacune des précédentes crises financières qui ont touché les pays donateurs, l’aide accordée par le pays concerné a diminué », a souligné David Roodman, chercheur au Center for Global Development (CGD), une cellule de réflexion sise à Washington.

M. Roodman a noté que l’aide accordée par la Finlande avait diminué de 62 pour cent pendant la crise économique qui avait touché le pays au début des années 1990, tandis que l’aide accordée par le Japon avait été réduite de 44 pour cent pendant la crise, qui a duré 10 ans.

« Il est bien sûr très tôt ; nous ne savons pas quelles dimensions cela prendra », a-t-il tempéré. « Je dirais que la crise au Japon était extrêmement grave, tout comme celle qui a frappé la Finlande. La Suède et la Norvège ont également connu des difficultés un peu moins graves au début des années 1990. Je pense que les bailleurs vont se trouver entre ces deux extrêmes ».

Aucune agence des Nations Unies n’a encore fait état d’un ralentissement en termes de contributions, et il n’y a pas encore d’idée claire des répercussions possibles du ralentissement.

« Je voudrais avoir davantage de réponses à donner. Honnêtement, tout le monde voudrait avoir plus de réponses à cette question », a dit à IRIN Stéphanie Bunker, porte-parole du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

« C’est une question essentielle et nous sommes évidemment préoccupés », a-t-elle déclaré. « Nous supposons que [la crise] pourra avoir certaines répercussions, mais on ne sait pas encore lesquelles. C’est la question à 64 000 dollars ».

L’APD globale accordée par l’ensemble des bailleurs en 2007 s’élevait à 117,6 milliards de dollars, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L’Union européenne et ses 27 Etats-membres, qui ont versé la moitié de ce montant global, sont de loin les principaux contributeurs.

En raison d’une tendance à la baisse, leur APD a néanmoins chuté à 46,1 milliards d’euros (59,4 milliards de dollars) soit 0,38 pour cent de leur revenu national brut (RNB) en 2007, contre 47,7 milliards d’euros (61,4 milliards de dollars), soit 0,41 pour cent du RNB, en 2006.

Nombrilisme

« Il y un ou deux mois encore, la réflexion générale consistait à dire que la situation s’améliorerait cette année et l’année prochaine. Cette hypothèse semble bien plus incertaine, aujourd’hui », a déclaré à IRIN John Clancy, porte-parole de la Commission européenne (CE) pour l’aide humanitaire et le développement.

« Nous sommes préoccupés à l’idée que non seulement les Etats de l’UE, mais aussi la communauté des bailleurs dans son ensemble, deviennent très nombrilistes en matière de politique intérieure, et ce serait compréhensible, dans une certaine mesure, car ils doivent à présent faire face aux répercussions économiques sur le terrain », a-t-il indiqué.

Malgré tout, certains gouvernements ont fait savoir qu’ils respecteraient leurs engagements. La Norvège a accordé une aide humanitaire globale de 2,5 milliards de couronnes (425 millions de dollars) en 2007, de 2,6 milliards (447 millions de dollars) en 2008, et 2,4 milliards (422 millions de dollars) en 2009 (moins élevée en raison d’un changement technique apporté au budget).

« Le budget total alloué par la Norvège à l’aide au développement, y compris à l’aide humanitaire, atteindra pour la première fois un pour cent du RNB, en 2009 », s’est félicité Sigvald Hauge, conseiller principal chargé des affaires humanitaires au ministère des Affaires étrangères.

« Il y a un consensus général au sein de la population norvégienne, qui transgresse les barrières des partis : ce consensus veut que la Norvège soit un bailleur de fonds humanitaire important et fiable. Sauf décision contraire lorsque le budget du gouvernement sera soumis au vote du Parlement, en décembre, nous ne nous attendons pas à ce que des réductions s’avèrent nécessaires ».

En 2008, le Danemark a augmenté sa contribution et ses fonds de réserve d’environ sept pour cent par rapport à 2007. « Nous ne pensons pas que la crise économique mondiale aura des répercussions sur l’aide humanitaire à l’avenir », selon Ttrine Barnøe, responsable de l’aide humanitaire au ministère des Affaires étrangères.

En ce qui concerne les Etats-Unis, deuxième source principale d’APD, avec 21,7 milliards de dollars versés en 2007, le président George W. Bush a déclaré en septembre : « L’Amérique s’est engagée, et l’Amérique doit rester engagée, en faveur du développement international pour des raisons qui restent vraies indépendamment des fluctuations des marchés ».

Pendant la campagne présidentielle, Barack Obama a également déclaré qu’il doublerait l’aide étrangère annuelle des Etats-Unis pour la porter de 25 milliards de dollars en 2008 à 50 milliards de dollars, mais Joe Biden, candidat à la vice-présidence aux côtés de M. Obama, a fait savoir en octobre que cet engagement serait sans doute « ralenti » en raison de la crise.

M. Roodman du CGD estime néanmoins que même le ralentissement serait un euphémisme. « Il faudra s’estimer heureux si l’on réussit à maintenir l’aide étrangère au même niveau ».

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