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Confrontée à des tensions diplomatiques avec le Maroc et aux défis du changement climatique, l’Algérie déploie une stratégie ambitieuse pour sécuriser ses ressources en eau. Entre dessalement d’eau de mer et recyclage des eaux usées, le pays investit massivement dans des solutions innovantes pour garantir l’approvisionnement de sa population. Un pari sur l’avenir qui transforme une crise en opportunité de modernisation.
Face à une crise hydraulique majeure qui touche l’ensemble des pays d’Afrique du Nord, l’Algérie déploie une stratégie ambitieuse combinant diplomatie internationale et innovations technologiques pour sécuriser son approvisionnement en eau. Cette situation critique, particulièrement aiguë dans la région occidentale du pays, résulte d’une conjugaison de facteurs tant géopolitiques que climatiques.
Une tension transfrontalière croissante
La région occidentale de l’Algérie fait face à des défis particulièrement complexes. La construction du barrage de Kaddoussa par le Maroc a engendré des répercussions significatives sur l’écosystème local, notamment sur le lac de barrage de Djorf Torba, infrastructure vitale pour la ville de Béchar et ses environs. La réduction drastique du débit de l’oued Guir menace non seulement l’accès à l’eau potable de milliers d’Algériens, mais compromet également le développement agricole régional.
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En réponse à cette situation, l’Algérie a initié un projet d’envergure : le transfert d’eau depuis le champ de captage de Guetrani, représentant un investissement de 213 millions d’euros. Ce projet ambitieux prévoit la réalisation de 26 forages et l’installation de plus de 200 kilomètres de canalisations. Un investissement qui montre la détermination du pays à garantir son indépendance hydraulique.
Une stratégie nationale innovante
Pour faire face à ces défis, l’Algérie développe une approche multidimensionnelle centrée sur le dessalement d’eau de mer et le recyclage des eaux usées. La méga station de dessalement du Cap Blanc, près d’Oran, illustre parfaitement cette stratégie. Cette infrastructure majeure, dont la mise en service est prévue pour décembre 2024, viendra renforcer un réseau déjà constitué de 14 stations produisant 2,2 millions de m³ d’eau par jour.
« Nous avons anticipé la sécheresse avec un premier programme couvrant 18% des besoins en eau potable des citoyens« , expliquait à Euronews Mouloud Hachlaf, directeur de la communication de l’AEC. « Face aux projections climatiques prévoyant une baisse de 20% de la pluviométrie d’ici 2050 dans le Sahel, nous visons à augmenter notre capacité de dessalement à 42%. »
Des solutions durables et diversifiées
Consciente des enjeux environnementaux liés au dessalement, l’Algérie innove en intégrant les énergies renouvelables dans ses installations. La station de Mostaganem, produisant 200 000 m³ d’eau potable quotidiennement, et le futur projet de Khadra (300 000 m³/jour) témoignent de cette volonté.
La réutilisation des eaux usées traitées constitue un autre pilier de cette stratégie, comme l’illustre l’exemple de Médéa, où des exploitations d’arboriculture fruitière utilisent avec succès des eaux épurées pour leur irrigation. « Les eaux de la station d’épuration étaient notre seule solution« , témoigne Abdelkader Benkorbi, ingénieur agronome, soulignant l’importance de cette approche alternative.
Une vision à long terme
L’objectif est ambitieux : couvrir 60% des besoins en eau de la population algérienne par le dessalement d’ici 2030. Cette stratégie vise à assurer la sécurité hydrique du pays face aux défis climatiques croissants.
Sur la scène internationale, l’Algérie maintient une position ferme, plaidant pour une gestion équitable et concertée des ressources en eau transfrontalières, notamment lors des forums internationaux de Bali et Ljubljana. Cette approche diplomatique, combinée aux innovations technologiques nationales, dessine les contours d’une politique hydraulique résiliente et tournée vers l’avenir.