La courgette marocaine à la conquête du marché européen


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Courgette du Maroc
Courgette du Maroc

Après avoir imposé sa tomate, son melon et sa pastèque, le Maroc affirme désormais sa présence sur les étals européens avec un nouveau produit phare : la courgette. Cette progression fulgurante s’inscrit dans une stratégie agricole ambitieuse, mais soulève également des questions sur le plan commercial et diplomatique.

Une percée sur le marché européen

La courgette marocaine, jusqu’alors dans l’ombre de sa concurrente espagnole, connaît une ascension régulière. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre le 1ᵉʳ octobre et le 8 décembre 2024, les exportations marocaines de ce légume ont bondi de 47% par rapport à l’année précédente. Pour la campagne 2024/2025, le Royaume a déjà expédié plus de 35 millions de kilos vers l’Union européenne, générant 42,3 millions d’euros avec un prix moyen de 1,19 €/kg.

Cette performance remarquable laisse cependant encore le Royaume Chérifien loin derrière l’Espagne qui domine toujours ce marché avec 66,7% des parts et 305,8 millions de kilos exportés en 2023/2024. Mais le Maroc semble désormais en mesure de contester cette suprématie.

Les secrets d’une réussite programmée

Plusieurs facteurs expliquent cette montée en puissance marocaine dans le secteur de la courgette :

  • Innovation variétale et qualité post-récolte : Les producteurs marocains ont développé des variétés précoces, résistantes aux maladies comme l’oïdium et divers virus, tout en optimisant leur calibrage pour une conservation prolongée. Ces caractéristiques répondent parfaitement aux exigences logistiques du marché européen.
  • Stratégie de complémentarité saisonnière : La campagne marocaine, qui s’étend d’octobre à mai, vient judicieusement compléter les disponibilités européennes, principalement concentrées sur l’été et l’automne. Cette complémentarité offre aux distributeurs un approvisionnement continu en courgettes, même hors saison locale.
  • Optimisation logistique : La proximité géographique du Maroc avec l’Europe, couplée à l’amélioration des liaisons ferroviaires et maritimes, permet de réduire considérablement les délais de transport. Cette rapidité garantit non seulement la fraîcheur des produits mais contribue également à diminuer l’empreinte carbone par rapport à des fournisseurs plus éloignés.

Un héritage agricole solide

Ce succès de la courgette s’inscrit dans une dynamique plus large d’exportation agricole marocaine vers l’Europe. Depuis plus d’une décennie, le Royaume a consolidé sa position de fournisseur majeur de fruits et légumes auprès de l’Union européenne.

C’est d’abord la tomate sous serre a d’abord ouvert la voie, avec des exportations atteignant plus de 300 millions de kilos depuis la campagne 2020/2021. Après une légère érosion en 2021/2022, ces volumes ont rebondi, portés notamment par les zones de production de la région de Rhamna au Maroc.

Plus globalement, entre janvier et septembre 2023, les exportations marocaines de fruits et légumes frais vers l’UE ont atteint 1,83 milliard d’euros, soit une hausse de 6% sur un an, confirmant la robustesse de ce secteur.

Défis et perspectives d’avenir

Pour confirmer son statut émergent de champion de la courgette, le Maroc devra relever plusieurs défis :

  • Poursuivre l’investissement dans la recherche variétale pour améliorer encore les rendements et la résistance aux stress climatiques.
  • Renforcer les démarches qualité et traçabilité pour répondre aux exigences croissantes des consommateurs européens en matière de sécurité alimentaire et de développement durable.
  • Sécuriser un cadre commercial stable avec l’Union européenne afin d’éviter d’éventuelles impositions tarifaires abruptes ou des quotas restrictifs.

Des tensions commerciales persistantes et la question sensible du Sahara Occidental

La percée marocaine ne se fait pas sans heurts. En Espagne notamment, des producteurs des régions de Murcia et d’Almería accusent régulièrement les importations marocaines à bas coût d' »inonder » le marché européen et de menacer leurs exploitations familiales.

Depuis 2023, ces tensions ont donné lieu à des mobilisations et à des campagnes de lobbying intensives, aboutissant à des recours devant la Commission européenne. Ces démarches visent à exiger des droits antidumping et une traçabilité plus stricte des produits importés du Maroc.

En effet, un point de controverse essentiel demeure : les statistiques officielles des exportations marocaines incluent souvent les volumes récoltés dans le Sahara Occidental, région dont le statut juridique fait l’objet de débats internationaux. Plusieurs ONG estiment que la production horticole y est soit sous-comptabilisée, soit non distinguée dans les bilans nationaux marocains. Un point confirmé par deux décisions de la Cour de Justice de l’Union Européenne reconnaissant, en conformité avec le droit international, l’indépendance du Sahara occidental.

L’avenir dira si le modèle agricole marocain saura répondre durablement aux défis de compétitivité et de transparence qu’exige le marché européen.

Masque Africamaat
Spécialiste de l'actualité d'Afrique Centrale, mais pas uniquement ! Et ne dédaigne pas travailler sur la culture et l'histoire de temps en temps.
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