La crise ivoirienne est analysée par la presse internationale. La plupart des médias avouent leur scepticisme quant à l’implication du général Robert Guéï, tué le jour de l’insurrection à Abidjan, et d’Alassane Ouattara, réfugié à l’ambassade de France.
Le Messager (Cameroun) : Ce n’est pas une surprise !
« Les graves troubles qui caractérisent à nouveau la situation en Côte d’Ivoire, ne constituent une surprise que pour tous ceux qui refusent de tirer les conséquences logiques de l’évolution de ce pays depuis cinq ans. L’ancienne vitrine de Houphouët-Boigny est même devenue un laboratoire qui permet de prendre connaissance, des pires produits de la mauvaise gouvernance, et de comprendre sans effort, comment des individus planifient consciemment ou inconsciemment, la destruction d’un pays pour satisfaire des ambitions personnelles de pouvoir. La situation offre une autre occasion de mesurer l’irresponsabilité de la France, autant que l’égoïsme de piètres personnages que l’on a trop vite célébré comme des pseudo Pères des indépendances. Ce n’est pas tout, puisque à travers Gbagbo, on a une idée à peu près fixe de l’influence en dépit du bon sens, de l’idéologie ethnocentrée des intellectuels africains une fois parvenus au pouvoir. Il est faux de situer le début de la polémique sur l’Ivoirité au seul règne de Konan Bédié et de lui faire porter seul le chapeau. C’est Laurent Gbagbo, alors qu’il est encore le champion de l’opposition, qui a introduit le premier cette notion abjecte dans le débat politique en Côte d’Ivoire ».
Soleil (Sénégal) : Presse guerrière
« Une semaine après le début du soulèvement militaire, les Ivoiriens n’ont pour s’informer que des médias officiels, qui crient au complot dirigé depuis l’étranger, et les organes de presse internationaux sont montrés du doigt comme ‘ennemis’ du pays. Dans les journaux télévisés nationaux, l’heure est au patriotisme, le pays étant ‘attaqué’ : les reportages sur les traces des combats et le retour progressif à la normale à Abidjan s’enchaînent, suivis de proclamations et témoignages de nationalisme ».
Libération (France) : Règlement de comptes déguisé
« Il n’y a eu ni mutinerie ni coup d’Etat en Côte-d’Ivoire. Ce qui se passe ressemble fort à un règlement de comptes interne au régime. Le 1er août, Balla Keita, secrétaire général de l’UDPCI, le parti de Robert Gueï, était abattu dans des circonstances mystérieuses au Burkina Faso. Peu après le dîner de mercredi, le corps de Robert Gueï était retrouvé dans la rue, criblé de balles. Selon la version officielle, il se rendait au siège de la radiotélévision pour s’en emparer. Selon nos sources, il a été abattu chez lui ainsi que toute sa famille. Puis son corps a été traîné dehors.
Pendant ce temps, le ministre de l’Intérieur, Emile Boga Doudou, a été abattu chez lui par des présumés mutins. Un détail cloche : dès jeudi matin, alors que la nouvelle de sa mort n’est pas connue, le ministre de la Défense Moïse Lida Kouassi annonce à la radio que, ‘en l’absence du ministre de l’Intérieur, le ministre de la Justice a décrété un couvre-feu’« .
La Croix (France) : Pas de tentative de coup d’Etat
« Il n’y a pas eu de tentative de coup d’Etat en Côte d’Ivoire. Il s’agissait au départ, jeudi dernier, d’une mutinerie de jeunes soldats soutenus par des officiers qui réclamaient notamment… la retraite à 55 ans ! Dès les premières heures de ce mouvement, le ministre de la défense, Moïse Lida Kouassi, a déclaré qu’il était au courant depuis la veille. La décision aurait alors été prise au plus haut niveau d’utiliser la mutinerie pour faire croire à un coup d’Etat et éliminer dans le même temps les opposants dérangeants, tels l’ex-chef de la junte Robert Gueï et Alassane Ouattara. Ce qui explique aussi le manque de revendication du coup d’Etat, qualifié à Abidjan de ‘coup d’Etat fantôme’. Cette ‘manipulation’ aurait été montée par le coeur du pouvoir, le ministre de la défense, le président Laurent Gbagbo (qui aurait laissé faire, étant en visite officielle à Rome) et son épouse Simone, fort influente, reconnue comme l’une des ‘durs’ du régime. Le but : asseoir définitivement le pouvoir du président. En revanche, le ministre de l’intérieur, Emile Boga Doudou, autre personnalité de poids au sein du pouvoir, n’a pas été mis dans la confidence. Le ministre de la défense et lui, tous deux d’ethnie dida, se disputaient le leadership au sein de la communauté. Il a été assassiné dès jeudi. L’hypothèse de la manipulation par le pouvoir paraît d’autant plus crédible que la violence survenue ensuite à Abidjan (au moins 270 morts) paraît sans commune mesure avec les revendications des mutins. Ceux-ci se sont d’ailleurs vite repliés, dans leur majorité dans les villes de Bouaké et de Khorogo ».
Sidwaya (Burkina Faso) : Que serait devenu Gbagbo sans Compaoré ?
« Organe officiel du Front populaire ivoirien (FPI) parti présidentiel au pouvoir, ‘Notre Voie’ se trompe de combat. Même en sa qualité de journal militant, il y a des limites à ne pas franchir. Hier ‘Radio mille collines’ a plongé toute une partie du continent africain dans l’horreur et le génocide. ‘Notre Voie’ se voudrait ainsi, une réplique de la presse de la haine en se transformant en ‘journal mille lagunes’ ? A lire sa livraison du 24 septembre dernier, il n’y a pas de doute. De ses colonnes où rutilent la xénophobie et l’ivoirité, où les attaques contre notre pays et ses dirigeants sont un jeu sans saveur ni crédibilité, il y a tout comme un harcèlement puéril. ‘Notre Voie’ doit répondre à ces questionnements avant d’oser des accusations non fondées. Que serait devenu l’opposant Laurent Koudou Gbagbo de l’époque sans Blaise Compaoré ? Le pouvoir provoque-t-il une amnésie totale chez les ‘Frontistes’ ? Avait-il vraiment besoin de ‘démasquer’ Blaise Compaoré ? Comment peut-on ‘démasquer’ un bouc-émissaire tout à fait désigné et tout trouvé ? La communauté internationale que l’on veut émouvoir, sait très bien que le Burkina Faso est un souffre-douleur tout désigné. Si Laurent Koudou Gbagbo éternue à Guibéroua, on dira côté ivoirien que c’est parce que Blaise Compaoré est enrhumé. »
Republic of Togo : Wade va trop vite
« Un sommet extraordinaire de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), consacré à la crise en Côte d’Ivoire, se tiendra à Dakar le 5 octobre prochain. Le chef de l’Etat sénégalais, Abdoulaye Wade, est le président en exercice de la CEDEAO, organisation régionale regroupant 15 pays, dont la Côte d’Ivoire et le Togo. D’ici dix jours, beaucoup de choses peuvent se passer. En outre, la dégradation des relations entre Abidjan et Ouagadougou risque de compliquer les choses encore un peu plus. La Côte d’Ivoire accuse le Burkina d’être derrière le soulèvement militaire. Dans ces conditions, le sommet semble mal engagé. Certains officiels africains reprochent au président sénégalais Wade son empressement à vouloir organiser cette rencontre dans le seul but d’assurer sa promotion avant de s’intéresser vraiment au sort de la Côte d’Ivoire. ‘Dès qu’une occasion se présente, Wade est là pour la saisir’, confie un expert de la sous-région qui poursuit ‘La Côte d’Ivoire est un problème sérieux qui ne peut pas être réglé par un sommet' ».
Al Ahram (Egypte) : Scénario invraisemblable
« Qui a organisé ce coup d’Etat bien monté, mais sans chef apparent, ni visage ? Comment est-il possible qu’une attaque simultanée à l’arme lourde ait pu se produire aux premières heures chez les ministres de la Défense Moïse Lida Kouassi et de l’intérieur Emile Boga Doudou ainsi que chez le chef d’état-major, le général Mathias Doué, alors que le président Laurent Gbagbo était en visite officielle en Italie ? D’autant que, dans le même temps, l’école de gendarmerie d’Abidjan, le camp de gendarmerie d’Agban, la seconde ville du pays, Bouaké, et la principale ville du nord Korhogo étaient attaqués par des rebelles. Y a-t-il eu ou non des soutiens extérieurs comme le prétend le pouvoir ? Des mercenaires angolais sont-ils arrivés pour soutenir le régime comme l’affirment des rebelles ? Autant de questions pour l’instant sans réponses. Désigné très rapidement par les autorités comme l’instigateur du coup d’Etat, le général Robert Gueï, auteur du coup d’état de 1999 et éphémère chef d’une junte militaire pendant dix mois jusqu’en octobre 2000, a été retrouvé mort dans une rue d’Abidjan. Sa femme et son aide de camp ont été également tués. Mais il est difficile d’imaginer qu’un militaire qui coordonne un putsch, et qui éventuellement s’apprête à se rendre à la radio ou la télévision pour faire une déclaration, comme l’ont prétendu les autorités, soit retrouvé mort en t-shirt et pantalon de survêtement avec des chaussures de ville ».
N.B : Par souci du respect de la propriété intellectuelle, nous n’avons pas corrigé les fautes d’orthographe et de syntaxe.