Le panel des chefs d’Etat africains se réunit mercredi et jeudi au siège de l’Union africaine, à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, pour tenter de trouver une solution à l’imbroglio politique ivoirien. Si Alassane Ouattara a accepté d’y participer, Laurent Gbagbo, lui, a décliné l’invitation, mais il y est représenté. Une issue pacifique à la crise est-elle encore possible?
La situation en Côte d’Ivoire se détériore de jour en jour. Depuis deux semaines, les violences s’intensifient à Abidjan et dans l’ouest. Les Nations Unies, qui craignent la résurgence d’une guerre civile, parlent d’un bilan de 379 morts depuis le 28 novembre, et de 50 la semaine dernière. L’économie subit également le contrecoup du bras de fer auquel se livrent les deux présidents proclamés du pays. Le gouvernement de Laurent Gbagbo a repris lundi le contrôle des achats et exportations de la filière du cacao. Et il a affirmé mercredi être soutenu par 7 pays africains alliés. La tension politique est on ne peut plus aigüe. Jean-Marie Kacou Gervais, ministre des Affaires étrangères d’Alassane Ouattara, nous livre son point de vue sur la situation.
Afrik.com : Croyez-vous en l’action du panel des chefs d’Etats africains ?
Jean-Marie Kacou Gervais : Je ne veux pas me prononcer là-dessus. Je n’ai pas à juger l’action des autres chefs d’Etats. Je crois qu’il vaut mieux les laisser travailler en toute tranquillité.
Afrik.com : Qu’attendez-vous de la communauté internationale, en particulier de l’ONU, de la France et des Etats-Unis ?
Jean-Marie Kacou Gervais : Nous n’attendons rien de la communauté internationale. Le peuple ivoirien est dans la rue et il sait que son destin est entre ses mains et non dans ceux de la communauté internationale. Pour moi, depuis le début de cette crise, l’ONU ne fait qu’observer les choses. Elle n’a rien fait d’autre à part de l’observation. Et nous ne pouvons pas imaginer que la situation change tant que le Conseil de sécurité ne lui donne pas le feu vert pour agir concrètement. Alassane Ouattara a été élu président et il est reconnu par tous. Le monde entier à confirmé que les élections en Côte d’Ivoire se sont déroulées dans de bonnes conditions. Tout le monde s’est penché sur la crise ivoirienne. Trois partis politiques étaient en concurrence. Quand deux se mettent ensemble, le troisième perd nécessairement. (…) Qu’on puisse récuser les résultats d’un vote, c’est politiquement inacceptable. Nous, Africains, devons éviter de propager de telles images. Je suis convaincu d’une chose : c’est le manque de moralité qui tue l’Afrique.
Afrik.com : Que pensez-vous de l’escalade de la violence en Côte d’Ivoire ?
Jean-Marie Kacou Gervais : Il s’agit d’un drame que vit notre pays. Nous sommes bouleversés. C’est un sentiment de tristesse que de voir mon pays s’enfoncer de cette manière. Je ne peux pas comprendre qu’on puisse tirer sur des femmes à l’arme lourde… Cela bouleverse tout notre entendement ! La Côte d’Ivoire s’est couverte de honte dans le monde. L’image que nous projetons dans le monde est lamentable. C’est inadmissible, vous imaginez si chaque chef d’Etat récuse les résultats d’une élection présidentielle ? Ce serait le chaos ! Pour qui passons-nous, nous, Ivoiriens, qui étions un modèle ? Je n’admets pas qu’on puisse récuser le vote du peuple. On ne récuse pas les résultats d’un vote, cela ne se fait pas. Cette position que je défends est avant tout strictement morale avant d’être politique.
Afrik.com : Allez-vous saisir la Cour pénale internationale ?
Jean-Marie Kacou Gervais : Bien sûr que nous allons saisir la Cour pénale internationale. On imagine actuellement des solutions qui permettraient aux instances d’aller voir ce qu’il se passe. Nous avons commis plusieurs avocats qui vont se pencher sur la question. Ces actes commis récemment n’honorent pas notre pays. Ceux qui les ont perpétrés devront pendre leurs responsabilités. Cela fait dix ans que des personnes commettent des actes répréhensibles et rien n’est fait. Il est tant qu’on passe aux actes. Nous voyons tous où cela nous mène. L’essentiel est que tout le monde finisse par comprendre que le pays n’est plus dans une situation stable.
Afrik.com : Si vous estimez qu’Alassane Ouattara est le président légitime de la Côte d’ Ivoire, qu’attendez-vous alors pour mener une offensive contre Laurent Gbagbo?
Jean-Marie Kacou Gervais : L’option militaire n’est pas exclue. Mais il faut laisser à la CEDEAO le temps de s’organiser. Ces choses-là ne se mettent pas en place du jour au lendemain. Sur la question militaire, je n’en dirais pas plus. C’est un sujet qu’on ne peut pas aborder dans une interview.
Afrik.com : Quelle est l’issue de cette crise, selon vous ?
Jean-Marie Kacou Gervais : L’issue de la crise est dans la rue. Les Ivoiriens commencent à descendre dans la rue. Il faut se battre. Nous nous ferons peut être tous tuer, mais nous continuons à croire en une solution, dans le cadre de la CEDEAO. Ceux qui refusent de reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara sont dans l’impasse.