Une opposition de plus en plus radicale, des appels au soulèvement militaire, le désaveu de la médiation sud-africaine, la Côte d’Ivoire est plus que jamais observée par la communauté internationale qui craint le déclenchement d’une guerre civile.
Par Anna-Alix Koffi
« La paix n’est pas un mot, c’est un comportement » (Félix Houphouët Boigny). A moins de deux mois de l’échéance, la tenue des élections présidentielles en Côte d’Ivoire n’a jamais été plus incertaine. De Linas-Marcousis en janvier 2003 à Pretoria II en juillet dernier, aucun des six accords convenus n’a été pleinement respecté. Dans un pays divisé en deux depuis près de quatre ans, au Nord comme au Sud, le désarmement des parties belligérantes n’est pas encore amorcé. Jules Yao Yao, puis Mathias Doué, les deux précédents chefs d’état major de l’armée régulière de Côte d’Ivoire (Fanci) ont lancé, depuis l’étranger, des appels au coup d’Etat militaire. Les Forces Nouvelles, mouvement rebelle du Nord du Pays, refusent coup sur coup le maintient des présidentielles au 30 octobre et la médiation sud-africaine… En promulguant, ce vendredi, une nouvelle version des lois du 15 juillet pour satisfaire ses opposants, Laurent Gbagbo, actuel chef de l’Etat, tient quant à lui, à incarner le bon élève.
« Des signes inquiétants »
A Paris, l’inquiétude s’amplifie. Michèle Alliot-Marie demande que « la communauté internationale fasse pression sur les deux parties pour que les conditions des élections soient remplies ». Evoquant, ce vendredi, des « signes inquiétants [en Côte d’Ivoire] de part et d’autre parce que le désarmement n’a pas été fait », la ministre française de la Défense condamne des « extrémistes qui, d’un côté et de l’autre, sur fond de rivalités, voire de haine, ethniques ne rêvent que de reprendre les armes ». En Côte d’Ivoire, la France assure, par son contingent 4 000 hommes réunis sous la Force Licorne, la protection des intérêts français et de quelques milliers de ressortissants français et internationaux à travers le pays. Avec les casques bleus de l’Organisation des Nations Unis (Onu), les soldats Français veillent au respect du cessez le feu et à la non violation de la ligne de confiance séparant le Nord du Sud pays.
Des médiateurs à bout de patience
La médiation sud-africaine rendait, ce mardi, son rapport sur les neuf mois de pourparlers avec les deux parties opposées, à savoir, le chef de l’Etat Laurent Gbagbo, les Forces Nouvelles (coalitions des mouvements rebelles) et deux autres opposants : Henri Konan Bédié du Parti démocratique de la République de Côte d’Ivoire (PDCI) et Alassane Outtara du Rassemblement des démocrates de Côte d’Ivoire (RDR). « Nous sommes arrivés à la conclusion que notre mission de médiation est finie », déclarait, catégorique, le Sud-africain Aziz Pahad, vice-ministre des Affaires étrangères. L’information était rectifiée quelques heures plus tard : « la médiation est achevée, certes, dans sa forme actuelle, mais elle continuera ». Ce quiproquo, qui n’en est pas un, aura suffit pour trahir l’exaspération de la médiation sud-africaine conduite depuis novembre 2004 par le Président Thabo M’beki à la demande de l’Union Africaine et de l’Onu.
Mais les rebelles refusent la médiation
Deux entorses au processus de paix en une semaine. Après le rejet officiel, jeudi dernier, de la tenue des élections au 30 octobre, les Forces Nouvelles ont récusé, ce jeudi, la médiation sud-africaine. Les rebelles et l’opposition avaient souvent critiqué l’action de Thabo M’beki, l’accusant de partialité en faveur de Laurent Gbagbo. Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara, qui semblent cette fois prendre leurs distances, ne se sont pas prononcés.
Le Gbagbo nouveau. « Notre propre expérience suggère qu’il a maintenant adopté une posture par laquelle il cherche à se focaliser sur la recherche de solution aux problèmes », c’est dans ces termes que Mesiuoa Lekota, ministre sud-africain de la Défense, rendait compte, ce mercredi, devant le Conseil de sécurité de l’Onu, de l’attitude de Laurent Gbagbo. Face à l’inconstance de ses adversaires, l’actuel chef de l’Etat, fait figure de valeur sûre. Ancien adepte du louvoiement, le Président ivoirien semble avoir changé son fusil d’épaule et applique les recommandations de la médiation avec docilité. Alors que le rapport rendu par la médiation lui est favorable, il veut, une fois de plus, montrer son désir de conciliation : les lois promulguées le 15 juillet dernier en vue des élections ont été révisées pour satisfaire l’opposition.