John Le Carré signe avec » La constance du jardinier » une charge violente contre les multinationales pharmaceutiques et la corruption. Enfin un roman où les méchants sont réellement méchants, les multinationales ce qu’elles sont, le régime kenyan ce qu’il a toujours été… et les Africains carrément absents. Un réquisitoire contre la mondialisation.
Avant de commercialiser un médicament » révolutionnaire » contre la peste en Occident, une firme pharmaceutique – il n’y a pas de petits profits – l’écoule d’abord en Afrique australe. Même dans leurs rêves les plus fous, les laboratoires n’avaient pas imaginé pouvoir disposer d’une population de cobayes. Le Kenya devient une vaste salle d’expérimentation. A l’insu des Kenyans. Seul à être au courant : le régime corrompu de Daniel Arap Moi que John Le Carré semble mépriser royalement. Et c’est là que le livre péche, non pour le mépris mais pour la présence fantomatique des habitants de ce continent. Les Africains meurent très vite ou disparaissent encore plus rapidement dans La Constance du jardinier. L’écrivain anglais écrit très bien, arrive à donner une réalité à sa fiction, mais semble réduire le monde à ses seuls compatriotes, le reste de l’humanité servant de figurants.
Achetez ma pilule ou mourrez !
Ce point mis à part, le livre est une violente charge contre les firmes pharmaceutiques et l’humanitaire commercial. Enfin un roman où les méchants sont réellement méchants, les multinationales ce qu’elles sont, le régime kenyan ce qu’il a toujours été : avide de gains pour le premier, corrompu pour le second. John Le Carré s’attaque aux multinationales avec une rare violence. Et la diplomatie anglaise en prend pour son grade, accusée de privilégier les intérêts économiques de son pays au détriment de la vie de milliers d’Africains – » de toute façon, ils vont mourir, de faim ou de maladie, n’est-ce pas ? « Le Foreign Office couvre meurtres et scandales. Au nom de la raison d’Etat.
John Le Carré a raison de préciser que son livre ne fait qu’effleurer les relations qui unissent certains pays africains aux firmes pharmaceutiques. Il y a eu le sida et l’histoire des brevets – raison invoquée par les laboratoires pour refuser au Tiers-monde de produire des produits génériques – et aujourd’hui le maïs transgénique et l’aide humanitaire. L’Onu implore l’Afrique australe d’accepter le maïs génétiquement modifié pour lutter contre la famine. John Le Carré a raison : les paranoïaques ne sont pas toujours malades. Souvent, dans ce domaine, ils ont juste une longueur d’avance sur les autres.
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