Des extrémistes musulmans ont violemment manifesté, vendredi et samedi dernier, au Malawi, pour protester contre la remise aux autorités américaines de cinq personnes suspectées de liens avec Al-Qaeda. Alors que des églises chrétiennes et des prêtres auraient été pris pour cibles, le Président malawite a ordonné samedi soir aux forces de l’ordre d’arrêter toute personne impliquée dans des violences religieuses.
Vous savez que je suis un musulman, je ne m’en cache pas, mais je suis un musulman pacifique. Aussi, je n’autoriserai personne à faire usage de violence au nom de la religion « . C’est en ces termes que le Président malawite Bakili Muluzi s’est adressé samedi soir à la communauté musulmane de son pays, minoritaire, et plus précisément à ses extrémistes. Les plus virulents d’entre eux ont manifesté vendredi et samedi, dans la capitale économique, Blantyre, ainsi que dans la ville à majorité musulmane de Mangochi, pour protester contre l’extradition de cinq individus – deux Turcs, un Kenyan, un Soudanais et un Saoudien – suspectés de liens avec l’organisation terroriste dite Al-Qaeda. Les manifestants, qui scandaient des propos anti-américains, s’en sont pris aux intérêts de la communauté chrétienne.
Selon des témoignages recueillis par la BBC, les locaux d’une Organisation non gouvernementale américaine ont été saccagés, six églises vandalisées et la voiture d’un prêtre incendiée après que celui-ci en ait été extrait, samedi, à Mangochi. Les menaces d’arrestations exprimées par le Président Muluzi semblaient avoir été entendues, ce dimanche, où aucune violence n’avait été signalée. Mais lundi, dans la petite ville de Kazugu (120 km au nord de Lilongwe), la police a tiré des balles en caoutchouc et lancé des gaz lacrymogènes sur ce qu’elle a décrit comme un « nombre assez important » de manifestants. La situation serait actuellement sous contrôle, mais les autorités n’écartent pas la possibilité de faire appel à l’armée.
Pressions américaines
Car ce que reprochent les manifestants au Président Muluzi est d’avoir succombé aux pressions de la superpuissance américaine, en prenant le risque d’aller contre la loi malawite. Les avocats des prévenus avaient obtenu de la Haute Court de justice une injonction ordonnant au gouvernement d’inculper les suspects dans les 48 heures ou de les mettre en liberté provisoire. Les 48 heures sont arrivées à expiration mardi dernier à 22h00 (heure locale) sans qu’aucun chef d’inculpation n’ait été émis. Et lorsqu’un juge de la Haute Court a requis leur libération, les autorités ont fait savoir que les suspects n’étaient plus entre leurs mains. Le Malawi n’a pourtant aucun traité d’extradition avec les Etats-Unis, selon la BBC.
» Si les Américains peuvent prouver les liens de n’importe quel résident malawite avec le terrorisme, le Malawi a le devoir de faciliter son arrestation « , a déclaré le Procureur de la République, confirmant que les suspects ont été arrêtés après identification par la CIA (Central intelligence agency). Une affirmation d’autant plus valable si l’on considère que les secteurs de la Santé et de l’Education au Malawi dépendent grandement de l’aide américaine.
L’arme économique est une ressource connue de l’arsenal de persuasion américain. Elle vient d’être utilisée auprès de nombreux pays africains dans le dossier de la Court pénale internationale et le sera peut-être contre les pays européens anti-guerre en Irak. L’argument manque de finesse mais il est imparable et les Etats-Unis continueront à en faire usage. Puissent-ils à l’avenir prendre en compte l’équilibre intérieur de leurs nations » alliées « .