Le Système de certification du processus de Kimberley est une initiative visant à empêcher le commerce des diamants de la guerre. Et si une initiative semblable était mise en place pour mettre fin à l’exploitation forestière illégale ? Sam Lawson, auteur principal d’un nouveau rapport publié par Chatham House, une cellule de réflexion britannique, admet que cette idée devrait être creusée.
Ce rapport est la première évaluation détaillée de la manière dont cinq pays en développement (le Brésil, l’Indonésie, le Cameroun, la Malaisie et le Ghana) ont réussi à réduire l’exploitation illégale du bois de plus de la moitié.
Les auteurs du rapport ont toutefois noté avec une certaine inquiétude qu’en 2008, plus de la moitié du bois illégal importé par les cinq premiers pays consommateurs (les Etats-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, la France et les Pays-Bas) était arrivée via des pays de traitement tiers, essentiellement la Chine. Cela représente une augmentation radicale par rapport au taux de 15 pour cent à peine, relevé huit ans auparavant.
Aujourd’hui, il devient de plus en plus urgent de faire en sorte que la communauté internationale agisse avec cohésion pour freiner l’exploitation forestière illégale. « Il est de plus en plus important que les gouvernements des pays de traitement prennent des mesures supplémentaires et plus significatives », avertit le rapport.
Certains pays comme les Etats-Unis ont amendé leur législation en octobre 2008, en vue d’interdire la gestion de bois illégalement exploité ; le 7 juillet 2010, le Parlement européen a approuvé l’adoption d’une législation semblable. Dernièrement, lors d’une conférence tenue au Canada, le G-8, groupe de pays industrialisés, a appelé à intensifier les efforts fournis dans le but de mettre fin à l’exploitation illégale du bois, qui « alimente les conflits », a-t-il déclaré.
« La communauté mondiale devrait tenter de tirer parti de ces efforts en vue de concevoir des programmes visant à Réduire les émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD) dans les pays en développement », a préconisé M. Lawson, membre associé de Chatham House.
La stratégie de REDD s’inscrit dans le cadre du processus de négociation des Nations Unies sur le changement climatique, qui vise à aider les communautés locales à préserver les forêts ; le processus prévoit de financer ces efforts par le biais de mécanismes gouvernementaux et de systèmes de marché, notamment par le commerce du carbone stocké par les forêts sous forme de crédits accordés aux industries émettrices de gaz à effet de serre.
« Mais je crains qu’en fin de compte, le processus de REDD ne soit qu’une solution de pure forme au vrai problème », a dit M. Lawson, les fonds ne permettant pas de financer les efforts de contrôle et de préservation des forêts, ni le renforcement des politiques. Le Programme des Nations Unies pour le développement a d’ailleurs fait remarquer dans son rapport annuel publié en 2007 que la majorité des fonds consacrés à la déforestation servaient à planter des arbres.
Selon M. Lawson, l’autre solution consisterait à ce que des pays tels que le Cameroun, qui ont signé des accords de partenariat volontaire avec l’Union européenne pour empêcher l’importation de bois illégal par les Etats membres, tirent parti de ces accords pour couvrir l’exploitation, le traitement et l’exportation dans les autres pays avec lesquels ils traitent.
« Si au Cameroun, près de la moitié de la zone attribuée aux concessions forestières est désormais soumise à des évaluations volontaires et indépendantes, menées sous une forme ou une autre, pour vérifier la légalité et la viabilité des activités d’exploitation, répondant ainsi au souci des acheteurs européens, le reste est en grande partie destiné à l’exportation vers des marchés moins sensibles, tels que la Chine », souligne le rapport.
La Chine est le premier importateur et exportateur mondial de bois illégal ; elle importe chaque année 20 millions de mètres cubes de bois illégal, soit plus que les cinq principaux pays consommateurs réunis.
La bonne nouvelle est que certains de ces poids et contrepoids ont porté leurs fruits : ces 10 dernières années, l’exploitation forestière illégale a chuté de 50 pour cent au Cameroun, de 50 à 75 pour cent en Amazonie brésilienne, et de 75 pour cent en Indonésie, prévenant ainsi la dégradation de jusque 17 millions d’hectares de forêt – une superficie plus vaste que l’Angleterre et le Pays de Galles réunis.