Le 30 juin marque le début des vacances estivales pour les élèves français. Pas pour tous. Pour plusieurs milliers d’enfants dont les parents sont en situation irrégulière, cette date correspond à la fin du sursis accordé en octobre 2005 par le ministre français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy. Il avait demandé aux préfets de suspendre jusqu’au 30 juin 2006 les expulsions des familles dont les enfants étaient scolarisés en France. Depuis un réseau de solidarité et d’entraide, appelant à la désobéissance civile, s’est organisé autour de ces « élèves sans-papiers ».
Par Vitraulle Mboungou
Le 1er juillet 2006, une date redoutée pour les 50 000 familles sans-papiers dont les enfants sont scolarisés en France. La circulaire envoyée en octobre 2005 par le ministre français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui demandait aux préfets de ne pas expulser ces familles, prend fin ce vendredi. Face à l’inquiétude grandissante de ces dernières, la mobilisation nationale s’est intensifiée. La Ligue des Droits de l’Homme et le Réseau Education Sans Frontière (RESF) ont lancé le 29 juin un appel baptisé « Chasse aux enfants : notre conscience nous interdit d’être complices pour s’opposer aux mesures d’expulsion et nous offrirons aide et protection » à leurs familles, en violant au besoin la loi. « Tant que celle-ci ne sera pas changée, nous nous opposerons aux mesures d’expulsion (…). Nous n’acceptons pas que les vacances scolaires deviennent le temps où s’ouvre la chasse à l’enfant », insistent les signataires.
L’appel est destiné à « tous ceux qui ont la nausée devant la multiplication de ces situations où des enfants, des adolescents sont les premières victimes d’une politique devenue folle ». Cette pétition a été signée par des nombreuses personnalités publiques, du monde politique, culturel et intellectuel. Elle fait écho avec celle du RESF lancée en avril dernier, intitulée « Nous les prenons sous notre protection » et par laquelle les signataires s’engagent à héberger, nourrir et ne pas livrer à la police les élèves sans papiers et leurs parents. Signée par plus de 700 000 personnes, elle continue de grossir. Le RESF organise en outre, depuis plusieurs mois, des « parrainages citoyens» d’enfants menacés d’expulsion. Il s’agit de mettre en relation ces enfants avec des familles françaises ou étrangères en situation régulière ou européenne. Les cérémonies de parrainage ne cessent de se multiplier dans les différentes mairies de France, notamment celles de Paris. Le mouvement s’est renforcé ces dernières semaines avec le lancement de la campagne de dissimulation d’enfants.
Disparition estivale des enfants sans-papiers
« Les parents clandestins peuvent refuser d’être mis dans l’avion s’ils n’ont pas leurs enfants avec eux », affirme un membre du collectif du RESF qui s’organise depuis des semaines pour cacher des enfants tout l’été, jusqu’à la prochaine rentrée scolaire. « Le but est de les éloigner de leur domicile, de les emmener à la campagne où il sera beaucoup plus difficile de les trouver. Les volontaires vont les emmener en vacance avec eux, certains sont même prêts à leur payer un séjour en centre de loisir », indique-t-on au sein du collectif. « Il s’agit cependant d’initiatives locales, d’engagements strictement symboliques, d’un petit système de protection », signale un membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) collaborant avec le RESF. Ce dernier reçoit de plus en plus de demandes de personnes de toutes tendances politiques prêtes à héberger, nourrir et distraire ces « petits fugitifs ».
« C’est plus sécurisant pour les enfants, si ce sont leurs professeurs, des parents d’élèves ou des amis qui s’occupent d’eux en juillet et août », souligne le porte-parole du collectif, Richard Moyon. « Les cacheurs d’enfants » risquent gros, cinq ans de prison et 30 000 € d’amende. C’est un risque que bon nombre d’entre eux sont prêts à prendre, car, comme l’explique le sociologue français Edgar Morin, à Libération, « on assiste à un sursaut moral, parce qu’on touche, là, à l’intime. Une sensibilité collective découvre ce qu’il y a derrière des lois arbitraires et brutales, idéologiques et cyniques ».
Les syndicats de l’Education Nationale entrent dans la danse
La mobilisation s’intensifie également du côté des syndicats de l’Education Nationale. Très engagés depuis plusieurs mois auprès du RESF, ils ont d’ores et déjà annoncé, ce jeudi, qu’ils préparaient une campagne d’action pour la rentrée scolaire de septembre sur le thème de « A la rentrée que seront-ils devenus : pas un seul enfant ne doit manquer ! ». « Les élus et les autorités administratives ne doivent pas escompter que l’été arrêtera la lutte. S’il manque un seul élève à la rentrée, ils seront interpellés continuellement, par les parents et les enseignants », ont-il expliqué. L’un des syndicats, Sud Education, a déposé un préavis de grève pour la rentrée « au cas où, dès le premier jour, si un seul élève manque, on puisse se mobiliser et interpeller le rectorat et la mairie le jour même ».
Les syndicats étudiants et universitaires ont également rejoint le collectif jeudi, en lançant le Réseau Universités Sans Frontières pour s’opposer à l’expulsion des étudiants étrangers. Une manifestation de soutien pour ces enfants sans-papiers organisée par le RESF et le comité « Uni(e)s contre une immigration jetable », est prévue ce samedi 1er juillet à Paris (de Bastille à Bercy).
Réseau Education Sans Frontière
La CIMADE met en place pour tout l’été un réseau de veille et d’alerte avec un numéro national d’urgence (08 20 20 70 70) qui fonctionnera du 3 juillet au 3 septembre.