A peine a-t-elle été dévoilée, que la nouvelle « charte de la laïcité » du ministre français de l’Education, Vincent Peillon, fait polémique.
La « charte de la laïcité » du ministre français de l’Education, Vincent Peillon, à afficher dans les écoles de France dès la rentrée 2013, ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté musulmane. Certains responsables religieux estiment que ce texte, censé faire face au communautarisme, vise principalement la religion de l’islam. Invité de BFM TV, ce lundi matin, son initiateur dément et affirme qu’elle ne fait que « rappeler les principes de la République ». « L’article 1 de la Constitution dit que notre République est laïque, c’est le rôle de l’école de l’enseigner. […] Cette charte met toutes les religions sur un pied d’égalité, mais pas dans la sphère publique », assure Vincent Peillon en réponse aux critiques, plus tôt dans la matinée, de Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman et recteur le Grande Mosquée de Paris.
« On voit très bien à qui il (le texte de la charte, ndlr) s’adresse, je crains – comme c’était le cas pour la loi de 2004 – de voir les musulmans de France stigmatisés dans leur ensemble et que cette interdiction ne soit perçue comme trop brutale », s’inquiétait ce dernier sur BFM TV. « Je perçois aussi dans ce texte un regard oblique sur l’islam, notamment le passage sur l’interdiction du port de signes ou de vêtements », expliquait-il déjà la veille dans le JDD.
« Refonder l’école »
Malgré ses interrogations, Dalil Boubakeur, dont la légitimité à gouverner la Grande Mosquée de Paris est remise en question par la nouvelle génération de Français musulmans, appelle toutefois à respecter cette charte.
Le président de l’observatoire de l’islamophobie, Abdallah Zekri, s’est lui aussi montré dubitatif face à cette charte. Elle a été « faite soi-disant pour combattre le communautariste. Qui dit communautarisme… Forcément, je me sens visé parce que maintenant quand on parle de communautarisme, on parle de musulmans », accuse-t-il. Même si la charte ne mentionne aucune religion, elle ne cible ni les juifs ni les chrétiens, selon Zekri.
Le Québec emboîte le pas
Pour le ministre, l’heure est à la « refondation de l’école ». « Personne ne peut dire : « En fonction de mes opinions, je ne vais pas aller à tel cours ou à tel sport ». La République reconnaît l’égalité entre fille et garçon. Il y a séparation de l’ordre privé et public », a insisté ce lundi Vincent Peillon. Cette charte, qui se veut être la traduction du « respect de chacun », doit, selon lui, être « accompagnée d’un enseignement […] C’est le projet de refondation de l’école […] Nous devons être exemplaire, conquérant ». Le message semble être passé puisque dans la province du Québec, au Canada, un projet sur la « Charte des valeurs québécoises », à l’initiative des indépendantistes, qui vise à supprimer les signes religieux ostentatoires dans l’administration publique, doit être présenté ce lundi.
La nouvelle a fait des émois puisque des fonctionnaires ont d’ores et déjà indiqué qu’ils n’accepteront pas cette charte si elle est adoptée. La porte-parole de l’association des garderies privées au Québec, Mona Lisa Borrega, a tenu à rappeler que « le Québec est une société diversifiée. Si quelqu’un porte une petite croix à son cou ou un voile, ça change quoi ? C’est quoi le problème ? », s’interroge-t-elle.
Le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), « espère que la classe politique québécoise réaffirmera son attachement pour les lois et libertés fondamentales du Canada ». Selon le CCIF, « cette notion de laïcité si propre à la France ne fait pas partie du droit canadien qui, jusqu’alors, évoquait le principe de liberté de conscience et de religion ».