La charia vient d’être déclarée inconstitutionnelle par le gouvernement de Lagos. Déjà appliquée dans 12 états, la loi islamique constitue un enjeu politique et religieux pour les musulmans majoritaires dans le Nord du Nigeria. L’Affaire Safiya rebondit et conduit son pays au bord de l’explosion.
Le gouvernement fédéral du Nigeria s’est prononcé jeudi contre la charia, en vigueur dans 12 états du Nord du pays. Dans une lettre adressée le 18 mars aux dirigeants de ces états, le ministre de la Justice, Kanu Agabi, a fait savoir que la loi islamique était jugée anticonstitutionnelle et qu’elle ne saurait par conséquent être appliquée plus longtemps. » Toute loi appliquée à des personnes uniquement parce qu’elles sont musulmanes ou selon leur sexe, est discriminatoire. La constitution interdit cela. Je ne suis pas celui qui interdit, c’est la constitution du Nigeria qui l’a interdit « , a déclaré ce dernier à l’AFP.
Cette prise de position du gouvernement de Lagos ravive les tensions entre les musulmans majoritaires dans le Nord du pays et les chrétiens plus présents au sud. Des émeutes religieuses ont déjà fait plus de 2 500 morts depuis février 2001 à travers le pays. Mais le président Obasanjo, chrétien originaire du Sud et personnellement opposé à la charia, pourrait par ce geste rallier des voix parmi les musulmans mécontents. La charia, législation très stricte impliquant des châtiments tels que la lapidation, le fouet et l’amputation, reçoit en effet un accueil inégal, même chez les partisans de l’Islam.
Musulmans intraitables
Les autorités musulmanes ont d’ores et déjà exprimé leur refus de se plier aux ordres de Lagos. Selon Ahmed Sani, gouverneur du Zamfara, ce n’est pas aux non-croyants de se prononcer sur la loi islamique. Le maître coranique Ahmad Murtala déclarait quant à lui à la BBC que » Les musulmans seront blessés par cette décision. Le gouvernement veut simplement détruire la charia. Les musulmans ne le tolèreront pas. C’est de la persécution religieuse, et nous réagiront. » De son côté, le gouvernement Obasanjo n’a pas prévu de mesures si ses directives étaient ignorées.
Safiya, affaire d’Etat. L’affaire de la jeune nigériane, menacée de lapidation dans l’état de Sokoto pour avoir conçu un enfant hors mariage, n’est sans doute pas étrangère à cet événement. La communauté internationale s’est largement mobilisée en faveur de la jeune femme, multipliant les pressions sur le gouvernement de Lagos. Son procès, plusieurs fois ajourné, doit avoir lieu lundi 25 mars. Le verdict sera décisif. Pour elle, pour son enfant, mais aussi, à présent, pour tous les Nigérians.