La Chariâ à l’heure canadienne


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Le Canada s’apprête à autoriser l’application de la Chariâ islamique dans ses tribunaux. Cette innovation juridique, qui vise à trancher dans des conflits entre les membres de la communauté musulmane au Canada, forte d’un million de personnes, est vivement critiquée.

De notre partenaire Le Quotidien d’Oran.

Au nom des cultures différentes, le Canada se prépare à adopter une loi qui imposera des juges islamiques dans des tribunaux canadiens. Cette substitution de la justice civile canadienne par des cours islamiques a été lancée en Ontario, par un juriste musulman à la retraite, Syed Mumtaz Ali, qui a créé l’Institut islamique de la justice civile (IIJC), avec statut de tribunal judiciaire composé de 30 membres, rapportent les médias canadiens.

Ces cours islamiques seront chargées de «donner des sanctions légales aux conflits entre les musulmans habitant sur le territoire canadien», indique «Canadian Law Times». Ces nouvelles dispositions de lois pourraient, à court terme, permettre à ces tribunaux islamiques, déjà habilités à traiter les affaires de droit commun, à appliquer purement et simplement la Chariâ dans toute son étendue: du divorce à l’héritage en passant par le tutorat, le mariage et l’application des peines.

Initiative controversée

Cette disposition discutée au Canada divise les milieux politiques canadiens. Car si elle est adoptée, le Canada qui est une terre d’immigration pour les musulmans de toutes obédiences, risque d’aller vers un régime juridique incompatible avec le droit canadien. Cette «géthoïsation» de la justice, instaurant un système juridique à deux vitesses, l’un pour les Canadiens pure souche (ou d’autres communautés juives et chrétiennes) et l’autre pour les Canadiens musulmans, a été fermement dénoncée par des organisations de défense des femmes canadiennes musulmanes. Ainsi, le Conseil canadien des femmes musulmanes (CCFM) s’inquiète de l’introduction de la Chariâ dans le droit civil canadien par la voix de sa présidente Alia Hobgen qui se dit: «gravement concernée (…) La loi de la Chariâ est vaste et complexe, et change dans son interprétation d’un pays à l’autre. La loi musulmane n’est ni monolithique, ni simple, ni appliquée uniformément».

C’est sous la poussée de ce juriste islamiste, Syed Mumtaz Ali, qui plaide pour la «variété de choix au sein de la société multiculturelle canadienne», que l’examen de cette disposition de loi est actuellement discuté. Représentant l’IIJC, il dit vouloir généraliser les cours islamiques car «les procédures habituelles sont trop longues et trop coûteuses», pour les musulmans du Canada. L’arbitrage islamique de ces cours est également argumenté par le fait que: «les arbitres auraient l’avantage de comprendre la langue du couple et son environnement culturel». Déjà fonctionnels en Ontario, ces tribunaux tranchent déjà des conflits entre musulmans, notamment les couples, dans des litiges matrimoniaux pour la plupart. C’est cette pratique que le gouvernement canadien entend généraliser pour l’ensemble des musulmans créant ainsi un statut de citoyen à part, selon les uns, d’indigénat, selon d’autres.

Communautarisme post 11 septembre

Reste à savoir quelle mouche a piqué le gouvernement canadien pour vouloir introduire la Chariâ dans le droit pénal et civil canadien? Les effets des attentats du 11 septembre 2001 ont créé une sorte d’hystérie anti-communautaire aux Etats-Unis et au Canada notamment à l’égard des musulmans. Persécutions, surveillance accrue des polices, verrouillage des lois sur l’immigration, xénophobie latente, racisme ordinaire ont meublé, ces deux dernières années, le quotidien des musulmans d’Amérique, provoquant un réflexe de protection communautariste assez sérieux. Les réseaux islamistes au Canada, au nom de la liberté du culte, se sont alors proposés comme alternative au dialogue comme Tariq Ramadane et les confréries des Frères musulmans l’ont fait, efficacement, en France. Parmi ces intermédiaires islamistes, on citera Tarek Fatah, du Congrès musulman canadien (CMC), qui s’est réjoui du principe du tribunal islamique. Pour rappel, le CMC avait applaudi à la victoire du FIS algérien en 1990 lors des élections locales et a coiffé plusieurs organisations caritatives proches des islamistes maghrébins.

Enfin, la résurgence de ce type de débat dans une société démocratique telle que le Canada est inquiétant à plus d’un titre. Face à la montée de l’islamisme et des peurs communautaires, le Canada propose à «ses» musulmans de carrément s’enfermer entre eux pour régler leurs litiges avec leurs propres lois. Une mesure qui n’est pas sans rappeler les atermoiements du gouvernement Raffarin sur la question du voile islamique et les signes ostentatoires dans les écoles publiques françaises. Débat qui a fait la part belle aux adeptes de Tariq Ramadane et aux organisations extrémistes en France, tranché finalement par un Jacques Chirac revenu aux sources du républicanisme.

Certes, le gouvernement canadien indique que les jugements issus de ces tribunaux islamiques ne seront pas reconnus s’ils violent la Charte canadienne des droits et libertés, mais le tort semble avoir été fait. Alors que des pays musulmans, notamment du Maghreb, tentent de réformer les codes répressifs à l’égard des femmes, c’est une société démocratique et moderniste qui introduit la Chariâ dans son système juridique. Impensable!

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