La certaine idée de la Francophonie de Pierre-André Wiltzer


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Globe terrestre
Globe terrestre représentant une partie de l'Afrique

Pierre-André Wiltzer, député français, est le président de la Commission politique de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF). Pour lui, l’APF est un lieu d’échanges et de solidarité entre les parlements des pays de la zone francophone. Son rôle : rester vigilante et interpeller les gouvernements s’il y a lieu. Interview.

Afrik.com : Quel est le rôle institutionnel de l’APF au sein de la Francophonie ?

P-A Wiltzer : L’APF réunit exclusivement des gouvernements. Notre association à leurs travaux passe surtout par l’information, la discussion. Nous n’avons pas de pouvoir de décision, mais nous n’en demandions pas. Notre but est de donner des avis, de faire des suggestions et d’assurer le relais avec les populations. Car nous sommes avant tout les élus de la population. Si nous voulons que la Francophonie ne soit pas qu’une affaire de diplomates, d’experts et de spécialistes, mais devienne vraiment l’affaire des peuples, il faut bien y associer les élus. Nous envoyons des recommandations, voire des critiques aux gouvernements. Nous essayons d’être le volet parlementaire de cette solidarité francophone.

Afrik.com : Justement, la Francophonie a-t-elle un sens pour ces populations ?

P-A W. : Disons qu’il y a un début de prise de conscience, mais nous sommes encore très loin de l’objectif. Depuis qu’il existe une organisation de la Francophonie, elle est restée trop enfermée dans des affaires de gouvernement. De plus, les populations sont souvent mal informées et ne voient pas de résultats concrets. S’il y a une bataille c’est bien celle-là. Mais au sein même de l’espace francophone, il y a des efforts à faire : il nous manque une politique vraiment dynamique. En France, la Francophonie n’est pas suffisamment une priorité gouvernementale. C’est un sujet de discours, on se prosterne régulièrement devant l’idée de la Francophonie, mais il n’y a rien dans la pratique. Que ce soit pour la formation des professeurs de français, donner un minimum de moyens aux centres culturels et aux lycées français, ou favoriser l’accueil des étudiants étrangers.

Afrik.com : L’APF est-elle un outil de la politique étrangère de la France ?

P-A W. : Absolument pas. Il y a autant de Français que de représentants des 50 pays membres. Tous les parlementaires de l’APF sont des gens très motivés qui ne font pas ça par intérêt électoral. Ils le font par conviction. Ce sont de vrais militants qui considèrent que cet ensemble a des choses à défendre en commun. Et pas seulement une langue commune. Il y a une vraie volonté de défendre nos cultures, nos civilisations, notre entité, face au risque d’uniformité et d’écrasement des cultures. Nous sommes à la pointe du combat des pays  » non-engagés « , qui refusent la domination d’une seule culture, d’une seule langue, d’un seul marché.

Afrik.com : A la dernière session ordinaire de Yaoundé en juillet dernier, plusieurs thèmes ont été abordés et notamment celui de la lutte contre la pandémie du sida. L’APF peut-elle mettre en oeuvre des actions concrètes en ce sens ?

P-A W. : L’APF se trouve dans la même situation que les parlements nationaux. Elle doit être une sorte de caisse de résonnance. Elle demande aux gouvernements des pays francophones, notamment les pays développés qui ont plus de moyens, de faire de la lutte contre le sida une vraie priorité en matière de politique sanitaire. Nous alertons les organisations internationales, c’est comme cela que nous pouvons nous rendre utiles. Nous exerçons une pression nécessaire sur les exécutifs pour qu’ils mettent les politiques en place.

Afrik.com : Quels sont les dossiers brûlants en Afrique sur lesquels vous travaillez en ce moment ?

P-A W. : La situation en Côte d’Ivoire est très préoccupante. Nous avons renvoyé la session ivoirienne suite au putsch de décembre 1999. Le rôle de l’APF est de renforcer la démocratie dans les pays et nous avons une règle : chaque fois que dans un pays le régime démocratique est renversé et que le parlement est dissous, la section qui représente ce pays est suspendue. Les élections telles qu’elles se déroulent en Côte d’Ivoire ne vont pas dans le bon sens*. Avec la plupart des candidats qui ne peuvent pas se présenter, le jeu démocratique est faussé. Une nouvelle Assemblée doit être élue prochainement et nous attendons de voir.

Afrik.com : Quelle est l’actualité de l’APF ?

P-A W. : Nous avons des séminaires réguliers à destination des parlements de la zone dans laquelle nous nous rendons, les prochains se tiendront à Bamako et à Niamey. Nous apportons aux parlementaires de ces pays une aide matérielle, en formation et nous leur permettons de s’exprimer. Il y a un vrai travail d’entraide et de solidarité entre les parlements de la Francophonie.

* L’interview a eu lieu jeudi 19 octobre 2000 à l’Assemblée Nationale

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