Les hommes politiques centrafricains envisagent de confier leurs institutions financières à des ressortissants français afin de mettre fin au tribalisme et à la corruption qui ronge leur pays. Pour certains participants au Dialogue national, le redressement du pays passe par le retour des « Blancs »… ou des expatriés.
Les Centrafricains n’auraient-ils plus confiance les uns envers les autres ? Mardi, des participants au Dialogue national de réconciliation, qui se tient depuis deux semaines à Bangui, ont suggéré de placer la direction technique des douanes et des impôts sous l’autorité de « conseillers techniques français ». Une solution extrême voire humiliante pour un pays indépendant depuis quarante trois ans. Les Centrafricains ne sont pourtant pas frappés d’amnésie et n’oublient pas que la colonisation qu’ils ont subie a été l’une des plus brutales de l’Empire colonial français. Le Dialogue national, impulsé par le Président autoproclamé François Bozizé, suite au coup d’Etat du 15 mars dernier, vise simplement à mettre fin à sept années de crises politico-militaires qui ont laissé le pays à genoux.
« Jusqu’à il y a environ quatre ans, pratiquement chaque ministère centrafricain se voyait accoler un ‘conseiller français’, explique Prospert Maïde, de Icicemac.com. La mesure n’est donc pas si nouvelle. Sauf sans doute dans les prérogatives qui leurs seraient cette fois accordées ». Mardi, les débats ont achoppé sur les fonctions que pourraient avoir ces « conseillers techniques » et sur l’opportunité pour un pays souverain de mettre sous tutelle ses institutions. « Chassez les Blancs, tous les Blancs, même les militaires qui contribuent au retour de la paix en Centrafrique. Remplacez-les par vos hommes dits compétents, et vous verrez ce qui va arriver à notre pays, si ce n’est pas la catastrophe », a répondu un délégué à cet argument. La France a déjà accepté de former les cadres de trois bataillons qu’elle devra également équiper. A condition que le recrutement s’effectue bien sur une base pluriethnique.
« Un mal nécessaire »
Depuis son accession à l’indépendance le 13 mai 1960, la République de Centrafrique n’a jamais connu la stabilité. Entre le régime dictatorial du Président-Maréchal, puis Empereur Bokassa, les coups d’Etat militaires, les mutineries et la présidence Patassé, le pays a sombré dans la corruption pendant que se renforçait le tribalisme au sein de l’armée. Son économie, exsangue, a poussé à maintes reprises le Président François Bozizé à réclamer la reprise immédiate de la coopération économique avec les pays et bailleurs de fonds, sans attendre le retour à la légalité constitutionnelle.
Aujourd’hui, selon Jean Fernand-Gbagbo, un habitant de Bangui, la collaboration avec l’ancienne colonie est vue par beaucoup comme un « mal nécessaire ». « Nous avons pourtant des hommes capables et diplômés, explique-t-il, mais le problème qui se pose est un problème de mentalité et de moralité. Pendant longtemps, l’accès aux postes sensibles s’est fait par accointances, avec une carte politique. Et les gens pensent que les Français seront moins sensibles aux pressions politiques que les nationaux ».
La solution des expatriés
En guise de compromis, le vice-président du Bureau du Dialogue national, le pasteur Josué Binoua, a proposé de « confier la direction des régies financières aux expatriés ». Une proposition très appuyée par les délégués. « Beaucoup ont joui des vols, des détournements, des pillages, et lorsqu’il s’agit de mettre un terme à des pratiques pour harmoniser la gestion de la chose publique, ils s’y opposent. Nous disons ‘non’ et que cela finisse. Qu’on fasse venir les expatriés », a conclu un délégué des assises.
Reste à savoir si ces derniers prendraient le risque de quitter la France, la Belgique, les Etats-Unis ou encore le Canada, pour leur pays d’origine. « Les Centrafricains de l’étranger ne manquent pas de patriotisme, explique Jean Fernand-Gbagbo. La plupart du temps, ce sont les hommes politiques de Centrafrique qui les ont découragés et les ont poussés à quitter leur pays ».